Médias

#CheapLaborEveryDay – Lettre ouverte à Olivier Primeau

Salut Olivier,

C’est à toi que j’écris aujourd’hui, c’est vrai, mais au fond, je m’adresse probablement à bien des gens qui se sont déjà retrouvés dans la même situation que toi.

Je veux te parler aujourd’hui de ton avis de recherche, que tu as probablement retiré après quelque temps en raison des réactions négatives qu’il a suscité sur les réseaux sociaux.

Comme la quasi-totalité des journalistes que je connais, j’ai sursauté en voyant passer ton avis de recherche pour des chroniqueurs que tu souhaites rémunérer à hauteur de 5$ par texte. Ceux qui n’ont pas réagi n’étaient tout simplement pas surpris, parce que c’est malheureusement encore trop monnaie courante d’offrir un tarif de merde en échange de la force de travail dans l’industrie des médias.

À 5$ du texte, tu n’as pas le droit d’exiger de tes candidats qu’ils aient « une excellente maîtrise du français écrit » et de l’expérience en rédaction. S’attendre en plus à ce qu’ils soient « passionnés et motivés » c’est trop demander en échange d’un simple Wilfrid Laurier.

Olivier, depuis quelques années, tu te présentes comme le socialite cool et tendance, un influenceur à qui tout sourit. Tu as bâti ton branding autour de ton statut de millionnaire et de tes nombreuses opportunités d’affaires.

J’ai un certain malaise, pour ne pas dire un malaise certain, à apprendre le tarif dérisoire que tu offres à ton équipe de rédacteur. Travailler pour toi, en te sachant plein aux as, ça m’insulterait de voir que le salaire que tu verses à tes pigistes est vingt fois moins que le tarif minimum de 100$ exigé par l’Association des journalistes indépendants du Québec pour un feuillet (250 mots), en 2018.

Je suis allée chez Maxi tantôt : ta poutine congelée, avec ta face dessus, elle se vendait à à peu près ça, 5$ l’unité. Si on ajoute la taxe, ton 5$ par chronique ne suffit même à se payer un lunch, un lunch que tu vends toi-même. Pour citer mon ami Alain, 5$, c’est même pas le prix d’un drink à ton beach club.

Pour te défendre, tu as publié à nouveau sur les réseaux sociaux que tu assumais ton tarif, parce que pour toi, ça prend environ 15 minutes écrire un « article » pour ton site de nouvelles, et qu’ainsi, ça revient à un taux horaire de 20$ de l’heure, pour ce que tu considères être un sideline.

Même si c’est pour une jobine à temps partiel, le tarif offert me dérange toujours. Pourquoi? Parce que ça me donne l’impression que pour toi, la valeur du contenu ça vaut juste ça, 5$. C’est quand même insultant pour nous, les « vrais » journalistes. T’sais, ceux qui ont fait des études, qui sont rigoureux dans la recherche, qui vérifient des faits, qui passent des heures à réaliser des entrevues pour présenter au public des histoires qui méritent d’être racontées.

Ton site Internet reprend et reformule des reportages diffusés dans d’autres médias. Des reportages qui prennent parfois plusieurs heures, voire des jours ou des semaines pour être effectués, à un taux horaire beaucoup plus élevé et dont on peine à tirer des revenus en raison de l’exode des publicités vers les géants du Web américain.

Penses-tu vraiment qu’en mettant le crédit en bas de page et un lien vers l’article original, tu vas nous générer du trafic? On s’entend, si l’essentiel de notre nouvelle est résumée sur ton site, les chances que tes lecteurs cliquent pour aller relire le tout chez nous sont plutôt minces.

Des tarifs ridicules, il y en a toujours eu dans l’industrie. Ils continuent d’exister parce qu’il y a des gens, jeunes ou moins jeunes, qui cherchent à percer dans le domaine et qui sont prêts à accepter n’importe quelles conditions pour se faire de l’expérience.

Je trouve juste ça dommage que tu y contribues.

Si tu avais vraiment un intérêt réel pour de l’information de qualité, au lieu d’avoir un site de nouvelles cheap qui reprend le stock des autres, tu investirais dans des médias qui existent déjà et qui font de la vraie nouvelle.

Parce que nous, on passe bien souvent tout près de crever de faim.

Et ce n’est malheureusement pas ta poutine congelée qui va nous rassasier. On n’a pas les moyens.

En tout respect,

Marie-Ève
(PS: ce texte a été rédigé bénévolement, je ne fais pas une cenne avec mon blogue)

1 réflexion au sujet de “#CheapLaborEveryDay – Lettre ouverte à Olivier Primeau”

  1. En effet, le problème est surtout qu’il ne devrait pas y avoir une section « actualité » sur son blogue s’il ne fait que résumer autre chose pris ailleurs, il n’y a pas un réel travail intellectuel réalisé, mais surtout du le vol du travail d’autrui.

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