Médias

Redéfinir le rôle du journalisme de proximité

Si ce à quoi il réfère en anglais est clair, le journalisme engagé, en français, a mauvaise presse, souligne Gabrielle Brassard-Lecours, cofondatrice de Ricochet et de Pivot, également chargée de cours à l’Université de Montréal et, entre autres occupations, co-organisatrice de l’événement S’engager avec/dans les communautés.

Le terme « journalisme engagé » est en effet considéré comme péjoratif parce qu’il soupèse que celui ou celle qui le pratique est davantage militant qu’observateur, davantage acteur que témoin de la réalité qu’il dépeint. L’événement qui s’est tenu le 17 juin à l’Université Concordia, qui a réuni près d’une centaine de professionnels de l’information, chercheurs, professeurs, étudiants et citoyens, visait entre autres à redéfinir le concept, baptisé pour l’occasion « journalisme de proximité », et à mettre en valeur des initiatives canadiennes qui sont porteuses pour les communautés où elles ont été mises en place.

Que ce soit dans le cadre d’une collaboration entre élèves du secondaire et communauté autochtone, la mise en place d’initiatives de journalisme citoyen pour pallier la disparition des médias traditionnels, ou même le rap comme manière de témoigner de son vécu, ces projets dont sont venus parler leurs instigateurs et instigatrices ont mis en relief ce qui distingue le journalisme de proximité du journalisme plus traditionnel, en ce sens où un réel dialogue est créé entre celui ou celle qui rapporte et ceux et celles qui font l’objet d’une nouvelle.

Pour bon nombre de participants à l’activité, co-organisée par la professeure Magda Konieczna de l’Université Concordia, un lien réel et sincère doit se former entre le ou la journaliste et la communauté dans laquelle il ou elle évolue: pour cette raison, un certain attachement, voire une certaine implication, sont inévitables.

Des discussions de groupe ont permis de mieux cerner ce fameux journalisme de proximité, dont l’objectif est d’abord et avant tout de servir la démocratie locale en informant les citoyens sur les enjeux actuels, passés et futurs, mais aussi en favorisant la compréhension des mécanismes sous-tendus par cette démocratie.

Cette conversation ne doit cependant pas être unidirectionnelle: les médias doivent être à l’écoute de ceux qu’ils aspirent à informer. Ils doivent être conscients de leurs besoins, de leurs opinions et prêter flanc aux critiques concernant leur travail dans l’optique de devenir meilleurs.

Un rappel à ne pas franchir la mince ligne entre journalisme et activisme a toutefois été lancé: le journaliste peut montrer, mais il ne peut inciter les individus à agir.

Certaines voix ont mentionné que les journalistes ont une responsabilité éthique envers leurs sources, qu’elles devraient les accompagner bien au-delà de la simple entrevue et que celle-ci est une transaction où toutes les parties prenantes doivent trouver leur compte. Il a notamment été question d’un soutien psychologique après la publication de reportages portant sur des enjeux humains difficiles, entre autres, parce que les gens sous-estiment trop souvent les répercussions de ces reportages sur leur vie.

Les termes de journalisme communautaire, de journalisme de dialogue et de journalisme civique ont aussi été proposés pour définir cet engagement citoyen qu’est de suivre les affaires publiques au nom de ses concitoyens.

Je suis ressortie de cet événement la tête pleine d’idées, mais aussi soufflée par l’audace et la portée de certaines initiatives qui ont été présentées. Je suis également revenue chez moi avec de nombreuses questions qui m’habitent depuis.

La notion de militantisme est-elle intrinsèque au journalisme, en ce sens où une certaine implication dans la communauté pour en connaître les rouages est essentielle pour bien faire notre travail? Vouloir changer le monde en informant est-il une forme d’activisme?

Ce que je retiens, pour l’instant, c’est que nous sommes nombreux à vouloir informer notre prochain et qu’il existe une infinité de manières de le faire.

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