En apprenant la décision de la juge Line Lanseigne, qui concluait que les syndicats représentant les travailleurs de Groupe Capitales Médias n’avaient pas manqué à leur devoir en consentant à la fermeture du régime de retraite, amputant du quart, voire presque du tiers, la pension de centaines de travailleurs et de retraités, j’ai d’abord été soulagée.
Soulagée, dis-je, parce que j’étais assise à la table à titre d’officière syndicale le jour où nous avons été mis devant ce nœud gordien. Sacrifier le fonds de retraite et sauver quelques centaines d’emploi dans six régions du Québec, ou perdre tout de même le fonds de retraite.
Tout avait été envisagé, chaque option, soupesée, toutes les pierres, tournées. Aucun scénario ne permettait de ménager la chèvre et le chou, bien malgré nous.
Après le soulagement, une vague de tristesse m’a inondée. Une tristesse pour les retraités déboutés en cour, qui auront perdu une part importante des efforts de toute une vie, mais aussi l’espoir que justice leur soit rendue.
Ce sont ces travailleurs et travailleuses, de même que certains de leurs collègues encore actifs, qui sont les véritables victimes de ce qu’on peut assurément qualifier de drame humain. En ne comblant pas le déficit actuariel de leur régime de retraite, on les prive, sans qu’ils aient eu un mot à dire, des fruits de leur labeur et de la retraite paisible à laquelle ils aspiraient.
Cette tristesse m’habite depuis. Celle de savoir que là-bas, dans la grande ville, ceux qui auraient pu faire quelque chose se lavent les mains de cette débâcle, quand ils ne retirent pas les poignées de porte de leur tour d’ivoire pour empêcher quiconque de leur remettre leur capitalisme éhonté en pleine figure.
L’avidité de certains hommes d’affaires, les privant visiblement de toute humanité, aura aussi eu raison de liens chaleureux et quasi-familiaux entre ex-collègues, autrefois unis par la passion commune d’informer leur prochain.
Il est temps que celles et ceux qui nous représentent dans les parlements agissent pour éviter que ne soit dérobé à d’autres travailleuses et travailleurs ce à quoi ils ont pleinement droit.
Marie-Ève Martel
Journaliste à La Voix de l’Est entre 2013 et 2022
Ancienne présidente du défunt Syndicat national des Employé-e-s de La Voix de l’Est (2015-2022)

