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Réforme du régime d’accès à l’information : à la prochaine fois…

Le récent recul du ministre responsable de l’Accès à l’information, Jean-François Roberge, quant à la réforme qu’il avait promise pour la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels a beau être décevant, il n’a cependant rien de surprenant.

Il avait déjà commencé à fermer cette porte au courant de l’hiver.

M. Roberge, qui avait annoncé l’an dernier son intention de déposer un projet de loi devant être adopté avant la prochaine élection, est le quatrième ministre à détenir le portefeuille de l’Accès à l’information depuis l’arrivée au pouvoir de la CAQ, en octobre 2018, après Éric Caire, Sonia LeBel et Simon Jolin-Barrette.

Bien qu’ils ont tous déjà souligné l’importance de rafraîchir la loi, les prédécesseurs de M. Roberge se sont davantage concentrés sur la protection des données personnelles dans un contexte de numérisation des dossiers citoyens, renforçant le second volet de la loi sans toutefois accorder d’attention au premier.

On comprendra les ministres d’avoir eu des priorités plus pressantes. Après tout, le gouvernement a, durant ce premier mandat et demi, géré une pandémie, fait face à des négociations avec le secteur public et géré d’autres crises, dont l’hémorragie du système de santé qui semble être sans fin.

Les gouvernements qui l’ont précédé n’ont guère fait mieux. Rappelons-nous encore du gouvernement Couillard (2014-2018), qui se promettait d’être le plus transparent que le Québec n’aurait jamais connu, et qui a déposé la réforme tant attendue de la loi… quatre jours trop tard pour être étudiée à temps par les parlementaires. Une mort annoncée dès son inscription au feuilleton.

Tout ça pour ça.

Renverser le fardeau

En fait, il faut reconnaître que la désuétude de la loi actuelle, qui a eu 40 ans en 2022, arrange les politiciens. Ceux-ci ont beau se draper dans la vertu en clamant leur transparence, ça doit bien faire leur affaire que la loi soit si floue et mal adaptée aux besoins contemporains qu’à peut près tout peut être soustrait de la divulgation pour peu qu’on trouve une faille dans la loi. Et elles sont nombreuses.

Comme je le décris dans mon essai Privé de sens – Plaidoyer pour un meilleur accès à l’information au Québec, la loi a perdu de son mordant et son terrain de jeu s’est érodé au fil du temps, que ce soit parce que les documents sont classés de manière à être indisponibles ou parce que d’autres lois sont venues en restreindre la portée.

Il faudrait revoir les exceptions prévues dans la loi pour préciser exactement quels documents ou quels types de documents ne doivent pas être rendus accessibles. En fait, il faudrait renverser l’application de la loi pour en respecter l’esprit, c’est-à-dire que tous les documents gouvernementaux devraient être d’emblée accessibles, et qu’il reviendrait aux fonctionnaires de retirer ceux qui contiennent des renseignements sensibles ou confidentiels.

Bref, il faudrait que les gardiens de ces documents qui, en théorie, appartiennent à tout le monde  – ils sont préparés grâce à nos taxes et impôts et dans l’intérêt public -, aient le fardeau de démontrer pourquoi les documents ne devraient pas être remis aux citoyens. Actuellement, ceux-ci doivent emprunter un parcours du combattant qui s’étire parfois sur quelques mois, voire plusieurs années, et qui se solde à l’occasion par la simple remise des documents.

Une perte de temps pour certains, une dépense inutile pour les contribuables, et surtout, une guerre d’usure qui ne sert pas du tout l’intérêt public.

Retards systématiques, caviardage excessif, refus injustifiés : chaque semaine ou presque, les médias publient des histoires complètement abracadabrantes ou des aberrations concernant le régime d’accès à l’information. Pas étonnant que le Québec, qui faisait figure de précurseur avec l’adoption de sa loi au début des années 1980, soit maintenant un cancre en matière de transparence à l’échelle canadienne.  

La pandémie a également révélé les limites technologiques de la classification des documents et des renseignements détenus par les gouvernements.

Il y a quelques jours à peine, le Journal de Montréal publiait un article dénonçant une série de documents caviardés sur le projet du Panier Bleu, qui nous a collectivement coûté 20 millions de dollars et qui a fait long feu.

Quelques semaines plus tôt, les journalistes du quotidien avaient réuni leurs anecdotes en matière de l’information dans le cadre d’un dossier qui avait de quoi décourager.

Une question de courage

Par ailleurs, même si la plupart des élus et des hauts fonctionnaires nient toute ingérence politique dans le traitement des dossiers, force est d’admettre que celle-ci existe, aussi bien au niveau provincial que dans les municipalités.

L’accès à l’information est perçue comme un fardeau par plusieurs personnes au sein de l’appareil public, et c’est cela qu’il faut renverser. L’accès à l’information est un des mécanismes les plus importants en matière de reddition de comptes envers la population.

D’ailleurs, les renseignements détenus par nos gouvernements peuvent être utiles à des fins de recherche, aussi bien par les entreprises privées que les organismes communautaires, les établissements d’enseignement et même les simples citoyens. C’est rentabiliser notre investissement collectif et faire d’une pierre plusieurs coups puisque ces données peuvent donner naissance à diverses innovations et idées.

L’État ne peut pas garder jalousement quelque chose qui nous appartient à tous.

En somme, et je le répète une fois de plus, l’accès à l’information, ou plutôt la réforme de la loi qui l’encadre, est une question de volonté et de courage politique.

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