Depuis l’annonce de tarifs douaniers décrétés par l’administration Trump, aux États-Unis, un mouvement de boycott envers les entreprises américaines s’est organisé au Canada.
De nombreux Canadiens ont ainsi renoncé à leur compte Netflix et ont revu leurs achats en ligne, de même qu’en épicerie, où les produits américains sont boudés.
Le tout coïncide avec le mouvement de boycott d’Amazon, qui a décidé plus tôt ce mois-ci de fermer ses sept entrepôts au Québec après que les employés de celui de Laval aient entrepris de se syndiquer. Déjà, avant même que le président américain mette sa menace à exécution d’imposer des tarifs douaniers aux exportations canadiennes, plusieurs ont dit adieu à l’application de Jeff Bezos pour témoigner de leur mécontentement, moi y compris.
Bref, l’achat local a la cote. Les Canadiens parlent un langage que leurs voisins du Sud comprennent : celui du dollar.
S’il s’en trouve pour dire que ce mouvement aurait dû naître bien avant la réélection du président en place, je préfère dire qu’il vaut mieux tard que jamais.
Le retour vers l’achat local, en guise de protestation contre les lubies du président Trump – qui souhaite du même souffle faire de notre pays un État américain-, pourrait être le salut des médias canadiens, qu’ils soient nationaux ou locaux.
Nul besoin de rappeler que depuis une quinzaine d’années, plus de 80% des revenus publicitaires canadiens ont migré vers les GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, pour ne nommer que celles-là.
Pour faire simple, les géants du Web ont détourné, de façon tout à fait légitime faut-il préciser ici, la quasi-totalité des investissements publicitaires qui étaient autrefois la principale source de revenus des médias. Ceux-ci se sont alors retrouvés au bord d’un précipice financier, devant poursuivre leur mission de créer des reportages d’intérêt public avec un budget de plus en plus comprimé.
C’est cela qui a mené à la fermeture de nombreux médias et à la perte de milliers d’emplois de journalistes à travers le pays sur près de deux décennies, diminuant du même coup le nombre d’histoires à être racontées au public et le nombre de chiens de garde à surveiller le juste exercice de la démocratie.
Pour les marchands, ce n’était pas un calcul difficile : une publicité sur les réseaux sociaux promettait d’être plus ciblée, et surtout beaucoup moins chère qu’une publicité dans un journal ou sur les ondes.
Il serait peut-être temps de revoir cette stratégie, alors que les réseaux sociaux sont devenus le Far Web, la métropole de la désinformation. De plus en plus d’Internautes délaissent ces plateformes, alors que des réseaux sociaux entièrement québécois voient le jour. Je pense entre autres à La Nouvelle Place et à Qlub.
Le paradoxe existe depuis aussi longtemps que Facebook : beaucoup d’entreprises d’ici vantent l’achat local. Elles font valoir qu’elles vendent des produits faits chez nous, qu’elles emploient des gens d’ici et qu’elles paient des taxes et impôts au Canada.
Mais dans un bon nombre de cas, les bottines ne suivent pas réellement les babines: ces mêmes marchands s’annoncent sur les GAFAM et ont délaissé les médias, quand ils ne les ont carrément pas abandonnés, pour une raison totalement économique.
Et ces médias vendent des nouvelles produites localement, elles emploient des gens d’ici et paient des taxes et impôts au Canada. Cherchez l’erreur.
Le mouvement de boycott américain en vigueur actuellement représente une opportunité de corriger le tir.
Je le dis depuis des années : acheter de la publicité dans les médias, ou même s’abonner à un média, c’est un geste politique. C’est encourager la démocratie locale et lutter contre la désinformation.
C’est ce que les Canadiens veulent
Autre signe que le moment est bon pour « revenir au bercail » : un sondage non scientifique de Médias d’Info Canada, rendu public il y a deux semaines, démontre que deux Canadiens sur trois (65%) souhaitent que le gouvernement fédéral investisse en publicité dans les médias d’ici.
Paul Deegan, président et chef de la direction de Médias d’Info Canada prêchant pour sa paroisse, a relevé qu’à peine 2% de tous les investissements publicitaires d’Ottawa avaient été effectués auprès des médias imprimés canadiens en 2024.
Le tout est d’autant plus ironique que la veille de la publication des résultats de cette enquête, on apprenait que le gouvernement fédéral avait renié son engagement à ne plus annoncer sur Meta, avec un investissement de 100 000$ sur Facebook pour mousser son congé de TPS qui n’aura été, en bout de ligne, qu’un coup d’épée dans l’eau.
Rappelons également que le boycottage des investissements publicitaires sur les plateformes de Meta, par un grand nombre de partis politiques fédéraux, provinciaux et municipaux, faisait suite à la décision de l’entreprise de bloquer les nouvelles des contenus canadiens, en août 2023, pour éviter de verser aux médias une redevance sur les revenus publicitaires engrangés tel que l’exige la loi C-18.
Les éditeurs de journaux imprimés du pays réclament qu’Ottawa imite l’Ontario et consacre un plancher de 25% de ses dépenses publicitaires dans la presse écrite.
C’est un objectif atteignable et cela donnerait l’exemple aux commerçants et entreprises. Il est temps de se souvenir que l’information, c’est quelque chose qui ne peut pas être fabriqué ailleurs.
Recommencer à annoncer dans les médias, c’est faire le choix de soutenir des entreprises d’ici qui combattent la désinformation d’ailleurs.
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1 réflexion au sujet de “Acheter local, c’est aussi s’annoncer localement”