Médias

En direct du congrès: les journalistes sur la ligne de feu

Pandémie oblige, le congrès annuel de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, dont mon mandat à titre de vice-présidente débutera dimanche, se déroule lui aussi de manière virtuelle.

C’est maintenant une tradition: les samedis matins du congrès sont alloués au Grand Rendez-vous, une discussion en profondeur sur un enjeu, je dirais même sur l’Enjeu, qui a marqué la profession dans la province au cours de la dernière année.

En 2020, même si les médias sont encore et toujours aux prises avec une crise de revenus, c’est sans aucun doute le tumulte de la pandémie du coronavirus et la prolifération de fausses nouvelles à ce sujet, qui ont accentué une crise de confiance, inquiétante et croissante, envers les journalistes.

« Les derniers mois ont été l’occasion de constater que les journalistes sont traités de plus en plus durement par une partie du public, mais aussi des autorités. La méfiance envers les médias est croissante, tout comme leur agressivité envers leurs artisans », indique-t-on en guise d’introduction.

Animée par la rédactrice en chef du quotidien Le Soleil, Valérie Gaudreau, cette table ronde a réuni la journaliste de TVA Kariane Bourassa, la journaliste indépendante Ève Beaudin, le journaliste de The Gazette Aaron Derfel et le journaliste parlementaire du Journal de Québec Marc-André Gagnon.

Kariane Bourassa a été enlacée contre son gré pendant une intervention en direct par deux manifestants lors d’un rassemblement anti-masques à Québec, cet été. Le dossier est judiciarisé, a-t-elle indiqué.

En temps normal, elle aurait réagi autrement, mais se sachant en ondes, elle a plutôt figé, confie la journaliste, qui a porté plainte.

« Je suis consciente que ce qui m’est arrivée est une petite histoire parmi tant d’autres », dit Mme Bourassa, qui constate une augmentation des actes d’intimidation et des insultes à l’endroit des journalistes depuis le début de la pandémie, même si le phénomène est loin d’être nouveau. « Ça nous amène à être dans un état ‘hypervigilance, explique-t-elle. Les gens trouvent ça drôle de déranger les journalistes. »

La médiatisation de son agression a fait de la journaliste une cible de choix pour les conspirationnistes. Plusieurs ont lancé la rumeur que le tout était un coup monté par TVA pour dénigrer le mouvement anti-masque; que les hommes qui avaient enlacé Mme Bourassa étaient en fait son conjoint, son frère ou même son ex-mari, lui valant des centaires, voire un millier d’insultes, et même des menaces de mort.

Aaron Derfel est à l’origine du scoop mettant en lumière les lacunes (c’est un euphémisme) dans la gestion au CHSLD Herron, qui a mené à une éclosion importante de COVID-19 dans cet établissement. Il a été pris à partie à quelques reprises par le premier ministre François Legault, qui l’a même bloqué sur les réseaux sociaux.

Même s’il a été ciblé par de vives critiques du premier ministre, qui l’a accusé de harcèlement et qui l’a dénigré. « Je dois être critiqué, ça fait partie du métier, je l’accepte », a-t-il dit. Le journaliste d’expérience n’a toutefois pas changé son approche, même s’il a changé un peu de ton dans ses articles et sur Twitter.

Marc-André Gagnon était pour sa part président de la Tribune de la presse au moment de la pandémie. La pandémie a permis de mettre en lumière le travail des courriéristes parlementaires, qui ont dû s’adapter rapidement et qui ont couvert le cœur de la gestion de la crise pandémique.

Comme beaucoup de gens se sont retrouvés confinés chez eux, ils ont été plus nombreux que jamais à assister aux conférences de presse quotidiennes des autorités. En conséquence, beaucoup de gens ont été confrontés au travail des journalistes pour une première fois; ils ont été nombreux à les critiquer aussi, particulièrement sur les réseaux sociaux.

« Ce qu’on remarque aussi, c’est que beaucoup de gens qui nous accusent de faire de la désinformation en font eux-mêmes », a souligné M. Gagnon.

C’est là une triste réalité dont a aussi témoigné Ève Beaudin, journaliste au Détecteur de rumeurs et administratrice de la FPJQ chapeautant le Détecteur de rumeurs et l’initiative #30secondes. « N’importe qui s’improvise expert en se filmant dans sa voiture en train de parler d’un sujet », illustre-t-elle.

« Historiquement, on a manqué d’expliquer aux gens en quoi l’information journalistique fouillée avait plus de valeur qu’un message envoyé sur les réseau sociaux dans un accès de colère », ajoute la journaliste, qui croit que c’est le rôle des médias d’aller à la rencontre du public pour lui expliquer notre métier. En dissipant la méconnaissance qui entoure le journalisme, le lien de confiance effrité qui unit le public aux médias est récupérable, estime-t-elle.

La notion d’éducation aux médias a été largement discutée, jugée essentielle pour renouer le dialogue avec le public afin qu’il comprenne le rôle du quatrième pouvoir.

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