C’est avec une très grande fierté que le collectif Prendre parole – Lettres de la (plus si jeune) relève journalistique paraît aujourd’hui dans les librairies québécoises. Ce collectif, que j’ai eu le plaisir de diriger avec mon amie Gabrielle Brassard-Lecours, présidente de l’AJIQ et fondatrice du média indépendant Ricochet, pour ne nommer que ces accomplissements, se veut un message d’espoir, aussi bien aux journalistes en devenir qu’à ceux qui orbitent déjà dans l’univers des médias, de même qu’au public qui recherche une information de qualité et qui s’inquiète de l’avenir du journalisme.
La prémisse de ce collectif est bien simple: quand il est question de journalisme, ce sont souvent des sommités du métier qu’on entend, ce qui est tout à fait normal me direz-vous. Or, bon nombre de celles-ci se désolent de la situation actuelle dans laquelle se trouvent les médias, parce qu’ils ont connu une époque où ceux-ci vivaient dans l’abondance, où les journalistes avaient le temps de fouiller leurs sujets, de mener des enquêtes plus approfondies et où les entraves à leur travail étaient moins systématisées. Nous, jeunes journalistes, mais ayant tout de même quelques années d’expérience, n’avons jamais connu cet âge d’or du journalisme. On a toujours entendu parler d’une crise qui semble ne plus finir, particulièrement définie par le manque et la perte de revenus des médias. Néanmoins, nous incarnons l’avenir de la profession, et nous nous retrouvons devant la table à dessin avec le loisir de tracer notre chemin.
Avec des collaborations signées Bouchra Ouatik, Thomas Deshaies, Michaël Nguyen, Nael Shiab et Émélie Rivard-Boudreau, Prendre parole célèbre ce métier qui nous unit et qui nous passionne tous autant les uns que les autres. Au fil du temps, chacun a développé sa spécialité, qui a contribué à forger sa propre vision du journalisme.
Sous forme de correspondances, nous interpellons différents acteurs de notre communauté dans l’optique de les sensibiliser à différents enjeux qui touchent notre profession tout en leur partageant notre perception du métier et du journalisme en général, et tel qu’on l’imagine dans un futur plus ou moins rapproché.
Ainsi, Émélie nous explique comment les pigistes peuvent devenir des ambassadeurs dans les régions, pour peu qu’ils daignent s’y rendre et s’y intéresser, voire s’y implanter et contribuer à en faire battre le cœur. Thomas, lui, fait le souhait qu’on retourne à un journalisme plus fouillé, qu’on abandonne la guerre de la rapidité et la chasse aux clics pour se concentrer davantage sur une information de qualité, le gage du retour du public. Bouchra démystifie pour sa part les différents pièges en ligne qui nous mènent à la désinformation et nous outille pour éviter de tomber dans le panneau. Pionnier du journalisme de données au Québec, Nael invite la relève à s’engager dans cette voie afin de faire parler les statistiques et informer la population autrement. De plus, Michaël s’inquiète de la transmission du savoir de journalistes expérimentés aux jeunes loups avec les compressions dans les salles de nouvelles, qui ont souvent pour effet de sacrifier des secteurs de couverture attitrés – appelés des beats, dans le jargon journalistique – et ainsi, la connaissance fine de certains systèmes et enjeux.
Gabrielle et moi ne sommes pas en reste. Ma codirectrice a souhaité faire rêver ceux qui ne se reconnaissent pas dans l’écosystème médiatique actuel en leur rappelant qu’ils peuvent créer un média à leur image. Une aventure emplie de défis et non sans risques, mais qui vaut la chandelle quand on souhaite offrir de l’information, différemment. Enfin, je signe pour ma part une lettre à nos élus de l’Assemblée nationale afin qu’ils considèrent l’inclusion de cours en éducation aux médias dans le cursus scolaire des élèves, le tout afin qu’ils prennent conscience de l’importance d’une information journalistique de qualité, qu’ils soient outillés pour détecter les fausses nouvelles et autres contenus trompeurs, mais aussi qu’ils apprennent à naviguer dans notre société où on est sans cesse bombardés de messages divers.
Bref, Prendre parole – Lettres de la (plus si jeune) relève journalistique, se veut d’abord et avant tout un message d’espoir. Un message d’espoir d’abord pour ceux qui suivront nos traces ou qui feront les leurs après nous, comme quoi il est possible, malgré la précarité, de trouver sa voie, d’être sur son X et de vivre pleinement de sa passion. Un message ensuite à tous ceux qui sont amoureux d’information sans en produire, mais qui pourront être rassurés d’apprendre que la « crise », qu’elle quelle soit, n’aura jamais raison du journalisme.