C’est avec un immense plaisir que j’annonce aujourd’hui la sortie de mon second essai, rédigé à titre individuel, Privé de sens – Plaidoyer pour un meilleur accès à l’information.
Suite logique pour moi d’Extinction de voix, Privé de sens est, comme son titre l’indique, un appel à une meilleure transparence de la part des organisations publiques, lesquelles étant assujetties à la Loi sur l’accès ;a l’information et la protection des renseignements personnels.
Comme journaliste, formuler et déposer des demandes d’accès à l’information auprès de diverses instances est une activité régulière, nécessaire, mais parfois frustrante. En effet, quand nous sommes amenés à remplir différentes demandes, on finit par constater que celles-ci, bien qu’effectuées en vertu de la même loi, ne sont pas traitées de la même manière. Une grande place est laissée à l’arbitraire et à l’interprétation pour la personne responsable de l’application de la loi. De plus, selon le degré de frilosité des pouvoirs politiques en place, la transparence est variable d’une organisation à l’autre.
Résultat: certains citoyens qui font affaire avec des organisations mieux structurées et plus transparentes sont avantagés face à d’autres qui souhaiteraient obtenir des informations auprès d’instances qui ne sont pas disposées à les leur donner, et ce, pour une multitude de raisons qui ne sont pas justifiées.
Cela est symptomatique d’une double problématique. D’une part, la loi qui encadre la transmission de documents et de renseignements d’ordre public est désuète et doit être revue de fond en comble. D’autre part, un manque de volonté, voire un certain laxisme, dans le désir de mieux être transparent, qui est observé auprès de nombreuses organisations.
La loi sur l’accès aux documents des organismes publics célébrera l’an prochain ses 40 ans. Quelle belle opportunité de jeter un regard sur quatre décennies d’accès à l’information dans la province et de dresser certains constats, mais aussi des suggestions, pour mettre cette loi à jour et la rendre mieux adaptées aux réalités d’aujourd’hui.
D’abord, force est d’admettre qu’à l’âge respectable de 40 ans, la loi a besoin d’être dépoussiérée et rafraîchie. Elle n’a pas évolué aussi rapidement que les technologies, si bien qu’elle ne couvre pas toutes les manières de produire, d’entreposer et de transmettre l’information.
Ensuite, il n’existe pas de formation spécifique et obligatoire pour toutes les personnes qui sont désignées comme étant responsables de l’application de la loi dans leurs organisations respectives. Ce faisant, certaines institutions ont la chance de compter sur un individu avec de bonnes connaissances en droit, d’autres non. Le tout fait en sorte que l’application de la loi est inégale et dépend du niveau de compréhension de la personne responsable, et de l’interprétation qu’elle fait de la loi.
Par ailleurs, la loi est à ce point imprécise qu’il est facile d’y trouver des motifs pour justifier un refus, tout simplement parce qu’on craint la manière dont ces informations pourraient être utilisées. Les exceptions sont devenues la norme, et il est impératif de circonscrire ce qui ne peut ou ne doit pas être transmis afin que cela ne concerne qu’une minorité de documents.
Enfin, l’accès à l’information, dans bon nombre d’institutions et même au gouvernement, semble être une arrière-pensée, c’est-à-dire un fardeau supplémentaire pour des employés déjà surchargés. On traite les demandes quand on a le temps, par obligation, et on fait le strict minimum. Les délais prévus par la loi sont souvent dépassés, et parfois, pour des raisons aussi loufoque que la prise de vacances. Par ailleurs, l’absence de réponse dans les délais impartis par la loi est considéré comme un refus d’y donner suite. Le manque de rigueur dans le traitement des demandes se traduit entre autres par une grande quantité de demandes de révision devant la Commission d’accès à l’information.
On peut comprendre que les organisations manquent de ressources ou n’ont pas suffisamment de demandes pour justifier l’allocation d’un employé à temps plein pour l’accès à l’information. Mais peut-être serait-il pertinent de réfléchir à la possibilité de plusieurs organisations – les municipalités par exemple – d’unir leurs forces et de se séparer ainsi la facture.
Autrement, la meilleure manière d’être plus transparent sans se casser la tête avec des demandes d’accès est bien simple: et si on divulguait automatiquement des renseignements? Ça mérite qu’on y pense.
Je le reconnais d’emblée, l’accès à l’information n’est pas le sujet de l’heure, ni le plus « sexy » à aborder dans un essai qu’on espère lu du plus grand nombre. Or, il s’agit d’un enjeu qui a des impacts dans notre quotidien à titre de citoyen; la transparence des organisations, et plus particulièrement des différents paliers de gouvernement, est un enjeu démocratique qu’on ne peut pas ignorer.
Je l’ai écrit dans Extinction de voix et je le réitère dans Privé de sens: des citoyens mieux informés sont des citoyens plus sensibles aux enjeux de société, plus susceptibles de voter et de prendre part à la vie démocratique. Bref, la solidité d’une communauté, d’une société, est tributaire d’une grande transparence.
Voici donc ma modeste contribution à un débat qui nous concerne tous.
Bonne lecture!