Porte-Voix

Porte-Voix: Hugo Prévost

Pour marquer les cinq ans de ce blogue, je partagerai, pendant quelques semaines, ma tribune avec des collègues de différents médias et de différentes régions du Québec. Je les interroge sur leur vision du journalisme.

Cette semaine: Hugo Prévost (@HugoPrevost), journaliste surnuméraire à Radio-Canada, pigiste et cofondateur-rédacteur en chef de Pieuvre.ca.

Qu’aimes-tu le plus de ton métier?
 » Le journalisme, c’est apprendre tous les jours. Découvrir de nouveaux sujets, satisfaire une curiosité qu’on espère insatiable, rencontrer des gens passionnants… Aucune journée ne ressemble à la précédente. C’est l’antidote idéal pour la grisaille du métro-boulot-dodo. Et cela, c’est sans compter sur le mandat d’informer le public, de diffuser des informations qui pourraient influencer le fonctionnement de toute une société. C’est grisant! »

Et qu’aimes-tu le moins?

« Outre des horaires parfois ingrats, le journalisme est une machine à broyer des gens. Précarité, sujets parfois ennuyeux, gens qui cachent volontairement de l’information, fausses nouvelles, cynisme… On se bat constamment contre un modèle d’affaires qui ne fonctionne pas vraiment, contre l’apathie, contre divers systèmes conçus pour aider les riches et les puissants. »

Qu’est-ce qui te faciliterait la vie?

« Avoir 36 heures dans une journée? Plus sérieusement, je ne serais pas contre l’idée d’avoir un peu plus de stabilité. Avoir le temps et les ressources pour me concentrer sur des reportages de fond, de l’analyse, des longs formats; traiter de la dépêche, c’est bien, mais on a l’impression de demeurer un peu en surface, de ne pas véritablement comprendre un sujet, et cette absence partielle de compréhension se répercute sur ceux qui nous lisent et qui nous écoutent. »

Qu’est-ce qui n’a pas sa raison d’être en journalisme?

« On ne devrait pas avoir à se battre contre des gens qui pensent que la Terre est plate, qu’on n’a jamais posé le pied sur la Lune, ou qu’Hillary Clinton organisait une traite d’enfants dans un sous-sol inexistant d’une pizzeria… En mettant tous les avis sur un pied d’égalité, le Web a transformé le discours journalistique. Ce que l’on tenait autrefois pour acquis est constamment remis en question. Cela nous force à revoir nos façons de fonctionner pour nous améliorer, bien sûr, mais c’est aussi un combat éreintant qui plombe parfois le moral.

Bien entendu, ce serait agréable de pouvoir payer un salaire juste à tous les journalistes, plutôt que de voir les tarifs à la pige fondre comme neige au soleil, ou exiger des contributions bénévoles. Mais ce problème est malheureusement presque aussi vieux que le journalisme lui-même. Avec un peu de chance, de nouveaux concepts et de nouvelles façons de rapporter de l’information vont entraîner une hausse des revenus et la création de nouveaux emplois.  »

Quel conseil(s) donnerais-tu à des journalistes qui débutent dans le métier?

« Écrivez! Je sais que je viens de dire qu’il serait bien que tous soient payés, mais il faut se rendre à l’évidence : il faut commencer par faire ses preuves, et cela veut souvent dire écrire bénévolement. Si l’expérience de Pieuvre.ca est en grande partie agréable depuis les débuts, il y a huit ans, et ce malgré l’absence de salaire, c’est parce que j’ai la liberté d’écrire sur des choses qui me passionnent. Il faut donc ouvrir ses horizons. Tendez des perches, demandez à réaliser des entrevues, intéressez-vous à des sujets que vous connaissez peut-être un peu moins. Visez grand! De cette façon, vous gagnerez non seulement en expérience, mais vous aurez aussi la versatilité nécessaire pour faire le saut au sein d’un grand média, ou peut-être, qui sait, lancer votre propre entreprise! »

Quel(s) conseil(s) aimerais-tu recevoir d’un vieux loup?

« Apprenez le côté marketing du journalisme; comment écrire un plan d’affaires, comment négocier avec des annonceurs, comment utiliser les réseaux sociaux efficacement, comment réaliser une campagne de pub… Pendant mes études, on enseignait à peine (et mal) comment écrire pour le web. La preuve, probablement, que l’académique est en retard sur la «vraie vie».  »

Qu’est-ce que le grand public devrait savoir sur ton métier?

« Cela est peut-être bizarre à lire, mais nous sommes comme vous : nous venons de tous les horizons, nous avons nos qualités et nos défauts, et nous ne sommes certainement pas infaillibles. N’hésitez pas à venir nous poser des questions, nous souligner une erreur, ou encore simplement nous dire bonjour. Ultimement, nous travaillons pour vous informer, tout simplement. »

Carte blanche

« Le journalisme, c’est à la fois le meilleur et le pire métier du monde. On s’y adonne avec passion, on le condamne avec véhémence, on y consacre des heures folles, on souhaite s’en échapper pour récupérer le sommeil perdu. C’est un métier encensé, vilipendé, salué, mais voué aux gémonies. C’est un métier qui stimule, qui épuise. Bon, tout ça sonne peut-être un peu mélodramatique, mais c’est vraiment le domaine qui me pousse à me dépasser tous les jours. J’ai eu mes doutes, j’ai pensé laisser tomber, changer de domaine, aller en relations publiques ou en communications. Je me suis accroché, probablement parce que je suis têtu. Probablement, aussi, parce que je ne sais pas vraiment faire autre chose. »

« À tous ceux que le journalisme intéresse, lancez-vous! Oui, il y a une possibilité de s’y casser les dents. Mais il y a aussi la chance de vivre une aventure incroyable, et d’y rencontrer des gens formidables. »

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