Ce billet du blogue de Steve Faguy a soulevé mon intérêt il y a quelques semaines. Celui-ci s’interrogeait sur les motivations des étudiants en journalisme, et de la distorsion qui semble exister entre les ambitions de la relève et la réalité du milieu.
Principal constat du collègue: les journalistes en devenir ne semblent pas conscient des efforts que nécessite la préparation à la profession.
But you get the impression that few of these future journalists are spending any time thinking outside that box while they’re in school. Journalism schools have to practically force some of their students to get published at some point during their three-year degrees. Many graduate having barely or never been published even in their student newspapers, but apparently expect a job to be waiting for them when they get that certificate. (Traduction libre: certains étudiants en journalisme finissent leurs études sans avoir été publiés, ou à peine, mais pensent tout de même obtenir un bon emploi à la sortie des bancs d’école.)
Comme l’indique ce passage du billet, la notion d’investissement est relative à chacun. Il en est ainsi dans probablement toutes les promotions en journalisme, et probablement dans tous les programmes: certains s’impliqueront toujours plus que les autres. Il y en a qui seront partout, qui publieront dans les médias étudiants, qui tiendront leur blogue et qui seront actifs sur les médias sociaux. Il y en a aussi qui se contenteront de faire les travaux inscrits au plan de cours, sans plus.
Pour reprendre l’exemple de M. Faguy, on ne peut exercer la médecine ou le droit avant d’appartenir aux organisations professionnelles qui délivrent des permis de pratique. Or, puisqu’il est beaucoup plus facile d’être journaliste et ce, sans formation spécifique, l’expérience compte beaucoup plus que le diplôme, même chez les étudiants.
Il s’agit là d’un grand avantage, car il est possible d’accumuler beaucoup d’expérience avant même d’exercer son métier. Cette expérience s’agit aussi d’un facteur de distinction très important, tant pour les étudiants qui recherchent un stage que pour les journalistes qui recherchent un emploi. Une bonne plume ou de la prestance devant une caméra n’est pas tout.
L’auteur du billet n’aurait pas pu mieux l’écrire:
Practicing the art not only allows you to get better at it, it shows to potential employers that you know how to do it. Writing for a university newspaper doesn’t bring in money, but it shows to that person hiring for that internship that you can meet deadlines, write to assigned word lengths and turn in readable copy in real-world situations. That’s always going to be an advantage. (Traduction libre: La pratique, même si non rémunérée, ne permet pas seulement de s’améliorer: elle permet de démontrer à des employeurs potentiels que vous savez comment faire le travail auquel vous aspirez.)
En effet, la pige, bénévole permet de se faire la main et de se faire connaître comme journaliste et de se constituer un portfolio susceptible d’accrocher certains rédacteurs en chef. J’oserais même dire qu’il s’agit désormais d’un passage obligé pour toute personne désirant œuvrer dans le milieu.
Cela ne signifie pas qu’une fois dans la cour des grands, il faudra continuer à travailler pour une bouchée de pain. Les pigistes en savent quelque chose, eux qui se battent sans cesse pour faire respecter leurs droits.
Rendu à un certain moment, dans la carrière de journaliste, les tarifs dérisoires au feuillet ne valent plus grand chose. Cette expérience, acquise au terme de nombreuses heures investies sans compter, finit par avoir un prix.
Un autre élément marquant des futurs journalistes consiste en la perception qu’ils ont eux-mêmes du métier. Beaucoup songent à devenir des journalistes spécialisés dans un domaine précis, par exemple le sport, la politique ou la culture; d’autres semblent impatients de ressentir l’adrénaline constante que leur procurera leur métier alors que certains s’imaginent vivre dans leurs valises pour partir à l’aventure de mer en mer. Une petite partie croit que le journalisme leur ouvrira les portes de la notoriété, du vedettariat, mais je crois qu’il s’agit d’un phénomène de moins en moins fréquent, surtout en raison de l’apparition des téléréalités, qui propulse beaucoup plus rapidement, et avec moins d’effort, des quidams au rang de personnalités publiques.
Pourtant, le journalisme est souvent moins glamour que ce à quoi la relève aspire. Avant de se spécialiser dans un créneau, il faut souvent faire ses armes en tant que généraliste, et couvrir des nouvelles qui nous semblent moins attrayantes. Cette étape peut durer quelques mois, voire quelques années. Certains n’en sortiront jamais, d’ailleurs.
Beaucoup de reportages impliquent aussi de longues journées de travail et nombreux journalistes travailleront toujours dans l’ombre, nourris par la passion du métier davantage que par la notoriété et l’éclat que la profession procure à d’autres.
Finalement, la seule chose qui compte réellement pour devenir journaliste, c’est l’amour du travail, le goût de l’information, le besoin de la partager. Le reste vient de par lui-même, proportionnellement avec les efforts qu’on y aura investi.