Cher « étudiant »,
J’utilise les guillemets parce que je ne sais plus trop si tu étudies vraiment à l’institution dont tu te dis en grève ou si tu n’es pas plutôt un casseur qui profite du chaos pour s’amuser. Je les utilise aussi parce que ce ne sont pas tous les étudiants qui ont dépassé les bornes, cette semaine, et que je ne veux pas leur attribuer faussement des actes qui ne leur ressemblent pas.
Cher « étudiant », les images que j’ai vues hier, comme plus tôt cette semaine, et même avant, ne sont pas glorieuses .Elles te nuisent plutôt que d’aider à ta cause.
Tu le sais, et ça t’a mis en rogne de voir que les journalistes les ont diffusées pour témoigner que tes amis et toi avez fait pour faire entendre vos revendications. Mais quelles revendications au juste?
Alors, les journalistes, ils sont devenus ta nouvelle cible. Hier, tu les a menacés, tu les a invectivés, tu les a fait expulser et tu as menacé ceux qui s’adressaient à eux. Tu as dit à mes collègues qu’ils n’avaient pas le droit de demander l’opinion des gens dans la rue.
Dans la rue! Ton pouvoir, ta dictature, s’étend-elle au monde entier?
Aujourd’hui, je ne te dirai pas ce que je pense de votre combat, à toi et à tes pairs. Mon métier m’oblige un devoir de réserve, et je ne prends donc pas position sur quelque enjeu d’actualité que ce soit. C’est essentiel au rôle du journaliste.
Mais ce principe de base, cher « étudiant », je ne crois pas que tu l’aies compris. Beaucoup de gens ne le comprennent pas en fait. Tu sembles penser que parce que la couverture médiatique t’es défavorable, que mes collègues sont contre toi, qu’ils sont à la solde de tes ennemis.
Mais rappelle-toi du printemps érable, il y a trois ans, celui que tu sembles vouloir reproduire. Le mouvement avait beaucoup plus d’ampleur qu’il n’en a présentement, et pourtant, il me semble que le message avait bien passé, et de mon souvenir, très peu d’altercations avec les journalistes se sont produites. Peux-tu nous reprocher d’avoir manqué de neutralité?
L’expression populaire veut que les journalistes soient les chiens de garde de la démocratie, cette même démocratie au nom de laquelle tu prétends te battre. Mais tes gestes ne le démontrent pas toujours, et c’est notre rôle de le montrer.
Une démocratie, c’est aussi une presse libre. Mes collègues et moi, nous ne sommes ni tes ennemis, ni tes alliés. Nous ne sommes que des témoins, dont le dessein est de montrer à tous comment se sont produites les choses. Nous n’avons aucun intérêt à déformer la réalité. Nous travaillons pour que demeure une trace des événements dans l’histoire.
Et l’Histoire, n’est-ce pas ce que tu veux faire?