Même s’il est généralement synonyme de chaleureuses retrouvailles et de regain d’énergie pour la plupart des journalistes qui y participent, le congrès annuel de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec risque d’être le théâtre de plusieurs mines basses, la semaine prochaine.
La semaine qui s’achève a été l’une des plus difficiles pour l’industrie des médias, avec l’annonce, par Pierre-Karl Péladeau, de l’abolition de 547 postes au groupe TVA, puis, par les Coops de l’information, de 125 départs volontaires.
À cela s’ajoute la décision de TC Transcontinental de sonner le glas de son Publisac, véhicule par excellence pour des dizaines, voire plus d’une centaine d’hebdomadaires gratuits dans pratiquement toutes les régions du Québec.
Ces hebdomadaires jouissent d’un bon taux de lecture parce qu’ils sont le seul média à faire parvenir leur information directement aux consommateurs, qui n’ont alors pas besoin de faire le moindre effort. Avec la fin du Publisac, qui a porté un coup dur à l’information hyperlocale de Montréal plus tôt cette année, on peut s’attendre à la même chose en région si les hebdos ne trouvent pas de solution alternative pour compenser la perte de leur distributeur.
Si seulement ces mauvaises nouvelles étaient isolées, on pourrait se dire: ouais, pas de chance.
Malheureusement, les annonces de cette semaine s’inscrivent dans un continuum qui semble ne jamais connaître de fin.
Déjà, rappelons que Québecor avait annoncé, en février dernier, l’abolition de 240 postes dont 140 chez TVA, dont plusieurs emplois de journalistes en région. En mai, PKP avait laissé entendre que d’autres coupes seraient envisageables à court terme. La nouvelle de jeudi a peut-être pris tout le monde par surprise, mais nous aurions dû nous y attendre.
Pas plus tard que cet automne, Métro Média, qui comptait un quotidien et près d’une vingtaine d’hebdomadaires hyperlocaux, a d’abord suspendu ses activités, puis déclaré faillite, mettant du même coup une centaine d’employés au chômage.
Le mois dernier, Radio-Canada a annoncé un gel d’embauche pour faire face à des pertes financières. La situation est légèrement différente pour la société d’État, il n’en demeure pas moins que cette décision est le signe que personne n’est épargné.
Ailleurs au Canada, Bell Media a annoncé la suppression de plus d’un millier d’emplois; Postmedia a aussi dégraissé sa masse salariale de plus de 10%.
Vraiment, 2023 n’est pas une année faste pour les médias, qui ont pu souffler un peu pendant la pandémie, en raison des abondantes publicités gouvernementales, mais qui renouent durement avec la crise qui les ébranle depuis près d’une vingtaine d’années.
Il reste encore huit semaines à cette année. Tout est possible…
On pourrait continuer de dire que la cause unique du problème est financière, que les entreprises de l’information n’ont pas su s’adapter à la réalité du XXIème siècle, qu’elles ont entrepris leur virage numérique trop tard, etc.
Vrai que les médias se sont assis trop longtemps sur leur monopole de l’information et qu’ils ont tardé à réagir aux bouleversements du numérique. Il n’en demeure pas moins que le produit qu’ils offrent – des nouvelles d’intérêt public – est une marchandise distincte qui n’a pas son égal ailleurs et qu’on ne peut surtout pas sous-traiter en Chine.
L’équation est simple: moins il y aura de professionnels à travailler dans le secteur de l’information, moins il y aura de nouvelles. C’est mathématique, et il y aura des choix à faire. Résultat, c’est la population toute entière qui paiera le prix.
À ce sujet, petit rappel sur un article du collègue Étienne Fortin-Gauthier sur une communauté du nord de l’Ontario, qui a réalisé à quel point la fermeture d’un média de proximité laisse un vide immense…
On espère qu’une solution sera trouvée avant que d’autres régions connaissent le même sort.
Cette solution passe assurément par une réappropriation des médias locaux par les communautés. Il faut réaliser, avant qu’il ne soit trop tard, le rôle essentiel que ceux-ci jouent dans leur milieu.
Pour écouter mon intervention au 98,5FM

