Fonction média, Information, Journalisme, Médias, Relations publiques

L’intervieweur interviewé

Parlons aujourd’hui d’un phénomène de plus en plus fréquent dans les médias d’information, c’est-à-dire quand les journalistes reçoivent d’autres journalistes pour traiter d’un sujet donné.

Bref, le journaliste « invité » se prête au jeu et devient, le temps du reportage, la source du journaliste « hôte ». C’est quelque chose qui m’est arrivé récemment, et certains journalistes se passent de présentations dans ce genre d’intervention tant ils sont souvent sollicités par la communauté. Bref, le journaliste devient lui-même une marque. C’est pratiquement indispensable maintenant.

Néanmoins, la pratique soulève quelques interrogations, à savoir pourquoi avoir recours à un journaliste plutôt qu’à une source spécialisée? Est-ce à défaut d’avoir la source originale avec nous?

Dans certains cas, on peut penser que oui. Il y a une forme d’autovalorisation de la profession à s’interroger entre journalistes, à souligner la compétence d’un collègue, du même média ou non, qui rejaillit sur soi et sur le journalisme en général. On sent parfois une franche camaraderie, un ton qui ne serait pas utilisé avec une source, disons plus institutionnelle. On n’essaie pas de piéger le journaliste: on sait qu’il va nous donner la bonne information et qu’il répondra à nos attentes. Aussi, cela exige moins de préparation.

C’est revenir à la question: les journalistes parlent-ils trop d’eux-mêmes?

Dans les faits, le journaliste qui en interroge un autre, l’interroge sur une situation que celui-ci a observé, traité de manière journalistique, mais à laquelle il n’a pas participé. L’expérience journalistique vient donc se substituer au phénomène réel dont on discute. Et pour eux, cela semble tout aussi valable.

C’est tout simplement parce que le journaliste, de par sa compétence, peut dresser un portrait plus global d’une situation, car il travaille avec un grand nombre d’intervenants, chacun spécialisé dans une partie précise du domaine.

Il est vrai qu’à force d’évoluer dans un même créneau et d’en couvrir toutes les facettes (un beat, comme on l’appelle dans le milieu), le journaliste devient forcément connaisseur de ce domaine. Il détient une liste imposante de contacts spécialisés et connaît ses dossiers sur le bout des doigts. C’est tout comme s’il y travaillait lui-même. Il est donc habile à établir une chronologie de faits et d’événements liés à une thématique donnée, à mettre en lien différents éléments tout en pouvant citer les experts qui auraient pu être à sa place ce jour-là.

Le journaliste doit donc également être un excellent vulgarisateur, ce qui n’est pas toujours le cas des spécialistes, qui utilisent parfois un jargon lié à leur domaine d’expertise.

Mais aussi et surtout, le journaliste, par définition, se veut les sens de substitution du public à qui il témoigne de ses expériences.

Quand on parle de cette substitution, on pense aussi au journalisme sur le terrain, alors qu’on demande au reporter de nous décrire son expérience d’une situation. Hors champ décrit ici très bien mon propos:

C’est pourquoi de plus en plus l’expédition des journalistes sur les lieux est le sujet principal de l’information, ils sont les personnages principaux d’un reality show en continu, on les suivra même s’ils ne rapportent rien de pertinent. Même si l’on ne sait pas ce qui se passe en réalité, il se passe toujours quelque chose avec les journalistes sur place et les médias nous disent d’abord qu’ils sont sur place.

Les journalistes « experts » sont aussi utiles quand ils font référence à un reportage qu’ils ont développé en exclusivité, ou auquel ils ont participé de façon plus active. Pensons au journalisme d’enquête, dans le cadre duquel le journaliste doit parfois se mettre dans la peau d’autrui pour vivre et ensuite témoigner d’un fait de société.

Même constat pour les reportages qui nécessitent des contacts avec des sources anonymes. Ne pouvant révéler leur identité, le journaliste devient le seul pouvant élaborer sur la situation.

De ce fait, pour ces raisons, le journaliste devient lui-même acteur de l’information, même s’il ne fait qu’en témoigner, comme le veut son mandat .

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