En région, Fonction média, Information, Journalisme, Médias

Une fois c’tun journaliste, comprends-tu…

Une fois c’tun journaliste, comprends-tu… Il avait une maudite bonne histoire. L’histoire d’un maire qui aurait quelque peu contourné les règles, en ne communiquant pas aux conseillers municipaux des informations qui auraient pu compromettre leur appui sur un important projet, ou en modifiant un document sans les en aviser.

Maintes et maintes fois, il vérifie. Il contacte ses sources, de nombreuses sources. À toutes, il leur pose les mêmes questions et s’assure de la véracité des informations recueillies. Et surtout, il donne la parole à toutes les parties pour s’assurer de leur laisser équitablement la parole.

Mais la Ville n’apprécie pas le reportage. Un communiqué est publié, et celui-ci laisse entendre que le journaliste s’est adonné à une campagne de salissage commandée par le journal et que les allégations sont fausses.  Pourtant, la preuve est là.

La trouvez-vous drôle? Eh bien, moi non plus.

J’en ai une autre à vous raconter.

Une fois, c’t’une journaliste, comprends-tu… Elle travaille dans un hebdo en région. Un beau jour, elle réalise un reportage dans les règles de l’art sur un quartier en développement. Ce qu’elle ne sait pas, c’est que le promoteur dudit projet est une connaissance de l’éditeur de son journal, de même qu’un important annonceur. Bref, un client payant pour le média qui lui paie son pain et son beurre.

Le promoteur n’a pas aimé son article, qui lui portait ombrage à son avis. Ainsi, l’éditeur a demandé à ce qu’un reportage positif sur le promoteur et son projet soit réalisé pour conserver les bonnes faveurs de ce client important pour le média.

Et c’est ainsi que la journaliste apprit que, dans certains journaux régionaux, on n’aborde pas certains sujets, de peur de déplaire à un annonceur ou à une municipalité, et de perdre ainsi de précieux revenus publicitaires.

Riez-vous maintenant? Eh bien, moi non plus.

Quelques-unes en rafale: un journaliste expulsé d’une séance publique parce qu’il souhaitait enregistrer les propos des élus; une autre qui reçoit un appel l’invitant à bien faire attention à ce qu’elle publierait, sous peine de le regretter; une autre encore qui demande des documents déposés en séance ordinaire du conseil municipal, mais qui se fait répondre de faire une demande d’accès à l’information pour recevoir, des semaines plus tard, des documents caviardés!

Vous dilatez-vous la rate maintenant? Eh bien, moi non plus.

Des histoires comme ça, il en pleut, même si on n’en entend pas toujours parler. Des journalistes bousculés, d’autres qu’on tente de museler, il y en a. Chaque cas est un cas de trop.

J’en ai fait état à quelques occasions sur ce blogue. Et pourtant, plusieurs journalistes hésitent encore à les dénoncer, par crainte de représailles.

***

Aujourd’hui est la Journée mondiale de la liberté de presse. C’est la journée pour laquelle tout le monde sera Charlie, à nouveau.

Mais sait-on réellement ce qu’est  la liberté de presse?

La liberté de presse, c’est l’absence d’entraves à la publication d’informations, mais c’est aussi l’absence de pression  à publier d’autres informations. C’est laisser les journalistes et les entreprises de presse faire leur travail sans tenter de les influencer ou sans leur faire subir de représailles.

Bref, la liberté de presse est le rempart de l’indépendance des journalistes vis-à-vis leurs sources et le système qu’ils observent.

La liberté de presse, ce sont toutes ces histoires qui circulent chaque jour dans les médias du monde entier et qui font la lumière sur divers enjeux, enrichissent les débats et contribuent aux affaires publiques. La liberté de presse, ce sont par exemple les reportages de l’émission Enquête qui ont donné naissance à la Commission Charbonneau. C’est le dossier choc du magazine L’Actualité sur les agressions sexuelles dans l’armée qui a mené au rapport accablant sur le sujet dévoilé la semaine dernière.

Les entraves au travail des journalistes, les menaces, l’intimidation, l’emprisonnement, la torture, la censure, les représailles: voilà tout ce que n’est PAS la liberté de presse. La liberté de presse, c’est tout sauf ce qu’on a fait subir à Raif Badawi, à Mohamed Fahmy, et à tous les autres dont on ignore le nom, dont on ignore l’histoire, mais qui paient de leur sécurité, voire de leur vie, le prix d’exercer un métier essentiel à toute démocratie.

Et ce n’est pas qu’en contrée lointaine ou en zone de guerre qu’on voit la liberté de presse bafouée. Les exemples mentionnés plus tôt le démontrent très bien. Ici même, des élus empêchent des journalistes d’assister à des séances publiques, d’enregistrer ou de capter des images. Des annonceurs menacent de retirer leurs publicités si une information est dévoilée. On utilise trop souvent, et abusivement, de la Loi sur l’accès à l’information.

La liberté de presse est la meilleure arme contre l’opacité.

Dénonçons.

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