Le journalisme d’enquête se fait de plus en plus rare. Certains se demandent si cette méthode de travail, longue et fastidieuse, mais surtout coûteuse, en vaut vraiment la chandelle.
Effectivement, le journalisme d’enquête est un coup de dés. Il peut arriver que la recherche débouche sur une nouvelle d’importance capitale comme il se peut que la démarche soit vaine.
Avant de publier son article en décembre, Fabrice Arfi du site Mediapart a travaillé sur le dossier Cahuzac pendant quatre longs mois, une particularité qu’on retrouve rarement dans les autres médias à une période où l’instantanéité de l’information fait loi.
« Quel journal peut consacrer trois-quatre mois de salaires d’un journaliste à plein temps sans garantie de résultat ? Dans les rédactions, les services de journalisme d’investigation tendent à se réduire », relève Louis-Marie Horeau, rédacteur en chef du Canard Enchaîné.
« Le journalisme d’investigation est un luxe malheureusement », ajoute-t-il, soulignant qu’on peut travailler longtemps sans rien sortir au bout du compte.
Comme il est mentionné dans l’extrait ci-dessus, l’instantanéité est un des éléments les plus déterminants dans la compétition que se livrent les journalistes. Dans cette optique, il devient difficile d’attribuer une quantité significative de ressources – humaines, financières et matérielles – à un reportage hasardeux, sans résultat assuré, alors qu’on pourrait les affecter à un plus grand nombre de nouvelles qu’on obtient rapidement.
Ai-je besoin de souligner que, comme un gâteau pour cuire, l’information a parfois elle aussi besoin de temps pour être révélée?
Dans un média d’information, comme partout ailleurs, il faut savoir doser. Il faut à la fois de la nouvelle instantanée (par mimétisme, avec les autres médias qui diffuseront assurément cette nouvelle) et des contenus exclusifs qui, souvent, sont issus des enquêtes, car il faut aller chercher ces informations (la distinction).
Car la qualité d’un média d’information relève beaucoup de sa capacité à dénicher la nouvelle, à la traiter différemment des autres. Tout le monde peut se présenter à une conférence de presse et en rapporter les grandes lignes. Un peu moins nombreux sont les journalistes qui ont du flair et qui décident d’investiguer un sujet. Les plus patients sont souvent récompensés.
Or, comme l’indique également le texte, il n’y a pas que le facteur économique qui rebute les médias et les journalistes. La peur de se tromper, d’être poursuivi ou d’être pris sur le fait peut en freiner certains quand vient le temps de mener une enquête.
De plus, ces enquêtes au long cours ne prennent pas seulement beaucoup de temps, elles sont aussi délicates à mener.
Mathieu Aron, directeur de la rédaction de France Inter, estime pour sa part qu’il y a « une forme de frilosité chez les journalistes à enquêter, à aller au-delà du discours officiel ».
Malgré tout, le journalisme d’enquête est essentiel pour tout média d’information. Il permet d’apporter une lumière nouvelle sur une situation, mais surtout, d’aller plus loin que ce que les sources veulent bien dévoiler. Parfois même, l’enquête permet de comprendre le fonctionnement de divers mécanismes.
En enquête, les journalistes sont donc comme des prospecteurs. Parfois, ils sont récompensés d’une pépite d’or. D’autres, il ne trouvent rien du tout, mais n’oublions pas qu’ils gagnent néanmoins en expérience.