La nécessité du scoop et la rapidité de diffusion d’une nouvelle, deux moteurs du journalisme actuel, ont souvent été abordés sur ce blogue. Ils constituent en effet deux facteurs de mutation dans la manière de traiter l’information, mais aussi deux sources (trop) fréquentes d’erreur dans ce traitement. Pourquoi?
Parce que la rapidité d’exécution qu’exige désormais le journalisme pour être le premier à diffuser une nouvelle diminue considérablement le temps alloué aux vérifications d’usage. Ainsi, il n’est pas rare que certains journalistes et certains médias se contentent d’une vérification sommaire de leur information pour la sortir. Or, la rigueur ne devrait en aucun cas être sacrifiée.
Un exemple fictif. Un média X diffuse en exclusivité une nouvelle qui fait grand bruit. Rapidement, ses concurrents publient la même nouvelle, parfois agrémentée de complément, afin de ne pas manquer le bateau. Un autre média travaillait simultanément sur la même nouvelle, mais a préféré attendre quelques heures, voire une journée, avant de faire de même, car un détail devait être confirmé.
Ce détail aura plutôt été infirmé, modifiant grandement la nouvelle préalablement diffusée. Qui aura eu l’air fou?
La clé en journalisme est de toujours pouvoir prouver, après coup, que l’information reçue est exacte et confirmée par les sources aptes à le faire. On ne sait jamais quand cela sera nécessaire.
Le site Cracked propose ici une liste de six cas où des allégations erronées et diffusées dans des médias ont eu des impacts négatifs, voire catastrophiques, sur la vie des gens malencontreusement pointés du doigt.
On y apprend quelques erreurs commises par les médias (pas toujours de petites publications de région, bref, personne n’est à l’abri), et les leçons qu’on peut en tirer.
1. Le sens commun et les déductions logiques ne sont pas toujours suffisantes.
Dans le premier cas répertorié par Cracked, les médias ont accusé à tort un homme de meurtre parce que celui-ci semblait étrange. Bref, il leur semblait logique de conclure que ce qu’ils jugeaient être un énergumène bizarroïde était l’auteur d’un acte qu’aucun être humain sain d’esprit n’aurait pu commettre. Bien qu’il s’agisse d’un exemple extrême, cela prouve également que les médias continuent bien souvent à perpétrer les idées préconçues et les stéréotypes présents dans la société où ils se trouvent. Pour cette raison, les journalistes doivent impérativement aller au-delà de la simple apparence de corrélation et corroborer ce qu’ils croient.
2. Les homonymes et les sosies sont un terrain miné.
Le deuxième exemple de Cracked démontre que les erreurs d’identité coûtent très cher aux journalistes. Une femme est confondue avec une autre qui lui ressemble physiquement et dont le nom est similaire.
Même en disposant d’informations permettant d’identifier quelqu’un, dans une histoire – particulièrement dans les faits divers, il faut s’assurer que toutes les informations rapportées en lien avec cette personne la concernent réellement. Ici, Facebook et les médias sociaux viennent compliquer le travail des journalistes autant qu’ils ne le simplifient, car d’un seul clic il est possible d’obtenir une liste de gens possédant le même nom. Il est donc facile de se tromper et d’attribuer des faits à une personne qui, malheur, porte le même nom que l’individu dont il est réellement question.
La meilleure illustration des conséquences que peut avoir un manque de rigueur dans la vérification de l’identité d’une personne est un fait divers tout ce qu’il y a de plus banal. Journaliste, vous apprenez qu’un dénommé Michel Tremblay, âgé dans la cinquantaine et demeurant à Longueuil, a été tué dans un violent accident de la route. Vous trouvez une photo de l’individu, qui correspond à la description qu’on vous a donnée du défunt, et vous publiez la nouvelle. Or, trois Michel Tremblay vivent à Longueuil, et il s’avère que le Michel Tremblay déclaré mort dans votre article est très vivant, mais que ses proches lisent votre article. Le choc est dur jusqu’à ce que quelqu’un réalise l’erreur…
Le Journal de Montréal avait d’ailleurs récemment publié un très intéressant reportage sur ces quidams qui partagent le nom de personnalités tristement célèbres.
3. Des vérifications insuffisantes peuvent mener à une mise hors contexte d’une information.
Dans le troisième exemple de l’article, il est expliqué comment des journalistes ne décryptant pas l’hébreu ont faussement attribué à un policien israélien le piteux état d’un jeune Palestinien. Or, il appert que le policier a plutôt sauvé la vie du jeune homme, un juif d’origine américaine.
Le quatrième cas concerne un journaliste qui n’a pas vérifié la date d’une photo déposée sur Facebook; le tout a réellement eu un impact sur sa nouvelle. (Je vous laisse lire le tout sur le site…)
La mise hors contexte de propos et de photographies survient le plus souvent dans la réutilisation de documents d’archives, d’où l’importance de s’assurer du contexte original de l’information avant de l’utiliser.
Autrement dit, on ne peut pas, éthiquement parlant, faire dire ce que l’on veut à une source, des chiffres ou une image. Ceux-ci sont indissociables des circonstances dans lesquels ils ont été obtenus.
4. Ne jamais se baser uniquement sur une rumeur
Selon le Larousse, une rumeur est une nouvelle d’origine inconnue et incertaine qui se répand dans le public, et dont la véracité est douteuse.
Diffuser une rumeur ou une information qui n’a pas été confirmée et ce, sans indiquer dans l’article qu’il s’agit d’une rumeur, relève de la désinformation. Encore plus si le tout est à la base de l’article en entier. Le tout amène le public à croire en de fausses allégations.
Tous ces exemples démontrent qu’un manque de rigueur entache de beaucoup la crédibilité d’un média. Il est préférable d’attendre certaines confirmations plutôt que de devoir se rétracter.