Même si, en théorie, la publicité et l’information doivent être distinctes dans un média, il n’en demeure pas moins que la seconde est toujours un peu à la merci de la première puisque la survie du média dépend grandement de la publicité, dans une majorité de cas.
En effet, je ne vous apprends rien ici, l’information est ce qui attire les consommateurs vers un média donné, mais ce qu’on vend réellement dans un média, c’est de la publicité pour ces consommateurs. Voilà donc pourquoi la qualité de l’information diffusée est aussi importante pour les annonceurs que pour les lecteurs et auditeurs. Personne ne consultera un média de qualité médiocre, encore moins ses publicités.
Pour cette raison, les médias doivent (un peu) penser leur contenu en fonction de leurs commanditaires, particulièrement les plus petits où les ressources font en sorte que les salles pubicitaire et rédactionnelle sont moins hermétiques. C’est pourquoi il arrive parfois que la direction de l’information évite certains sujets susceptibles de titiller certains annonceurs importants, si ladite information n’est pas majeure ou d’un intérêt public certain. (Le cas contraire, il s’agirait d’un grand manquement à l’éthique journalistique, à mon avis).
Dans un hebdomadaire où je fus journaliste, il est arrivé qu’une collègue publie un reportage qui faisait ombrage à une des municipalités se trouvant sur le territoire que nous desservissions. En conséquence, la Ville a coupé ses budgets de publicité et a convoqué une conférence de presse pour démolir la pauvre journaliste, qui n’avait fait que son travail. Même si la Ville était un des principaux annonceurs dans l’hebdomadaire et que, conséquemment, le retrait de ses publicités portait un dur coup aux finances de notre petite publication, il fallait que l’information sorte. Après de longs pourparlers avec le conseil municipal, l’éditeur est parvenu à lui faire entendre raison en évoquant l’intérêt public et bien sûr, en offrant un droit de réplique convenable. Le tout dans les règles de l’art.
Parfois, il arrive aussi l’inverse. Dans une autre publication, un reportage qui devait être à la base un texte général sur les activités sportives mère-enfant a été, à la demande du directeur de l’information, transformé en reportage sur les dangers du yoga avec bébé, après que celui-ci ait vu des photos, disons pour le moins acrobatiques, des mères pratiquant cette activité avec leur poupon. Le résultat était très dommageable pour la petite école de yoga… qui annonçait à l’occasion dans ce journal!
Le tout peut aller aussi beaucoup plus large que les simples médias. En fait, en s’associant à un média ou à un événement, l’annonceur endosse ce qui y est produit, et tout devient donc une question d’image. Voilà donc pourquoi Rogers Communications a décidé de ne plus commanditer un concert en Nouvelle-Écosse après que le chanteur Chris Brown y ait été invité à se produire. (On se souviendra que Brown a fait les manchettes en 2009 pour avoir battu sauvagement sa conjointe de l’époque, Rihanna. Une frasque qui lui colle à la peau et qu’il a du mal à faire oublier.) De ce fait, le message est clair: Rogers Communications, comme entreprise, condamne la violence conjugale.
La communication, ça va aussi loin que ça maintenant. Toute association d’une marque est susceptible d’influencer la perception des individus de cette marque et donc les entreprises sont de plus en plus prudentes aux associations sous-jacentes qui peuvent ressortir d’un partenariat publicitaire.
C’est ce qui est en train de se produire à la station Radio X. En effet, les propos tenus sur les ondes de cette station font controverse depuis longtemps. Or, de plus en plus d’opposants se mobilisent pour que le phénomène de la « radio-poubelle » cesse. Un mouvement, appelé Sortons les poubelles, invite même la population à boycotter les annonceurs de la station, sous prétexte qu’en continuant d’acheter de la publicité sur les ondes de la radio, ils sont en accord avec les propos disgracieux exprimés en ondes.
Plus récent chapitre dans cette saga, la compagnie Mondou qui retire elle-même ses publicités en raison des propos pour le moins déplacés du maire Stéphane Gendron, un habitué dirons-nous de la controverse, à propos des chats qu’il dit prendre plaisir à tuer. Évidemment, pour une entreprise vendant des produits destinés aux animaux domestiques et contruisant son image sur l’amour des animaux, il était impensable d’être associé à un média qui permet de tels écarts.
La morale de l’histoire? Chers médias, faites de l’information, mais faites surtout attention à vos annonceurs…