« Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans la procédure », a reconnu d’emblée le président de la Commission d’accès à l’information du Québec, Jean Chartier, dans un atelier tenu ce matin.
L’organisme, qui opère un budget annuel de six millions et qui emploie 60 personnes, ne l’a pas eu facile devant les journalistes venus assister à ce panel où de nombreuses critiques ont été formulées à l’égard de la Loi sur l’accès à l’information.
Une loi qui bloque plus l’accès à l’information qu’elle ne la facilite, avait même reconnu Bernard Drainville à l’époque où il en était le ministre.
Actuellement, 25 dispositions dan la loi permettent aux organismes publics de ne pas divulguer des documents qui sont également publics. Certaines font par ailleurs en sorte qu’ils ne peuvent être rendus publics des années après une décision leur étant défavorable.
La loi laisse même la latitude aux élus de juger s’il est opportun de dévoiler les documents.
Aberrant.
Le journaliste Éric-Yvan Lemay a pour sa part dénoncé le recours de plus en plus fréquent aux demandes d’accès à l’information par les organismes pour éviter de répondre aux demandes des journalistes ou pour allonger les délais.
Le problème réside à la base du processus, allègue M. Lemay, en affirmant qu’on doit s’adresser d’abord à un organisme qui non seulement refuse de dévoiler des documents, mais qui agit également à titre de juge et de parti. Il faudrait plutôt que les responsables de l’accès à l’information soient indépendants de l’organisation. Autrement, il y a là un conflit d’intérêt évident, a souligné Pierre Craig, président de la FPJQ, qui a rappelé « l’écoeurement et la colère » que ressentent les journalistes face à la situation.
« Un gouvernement devrait avoir les couilles de dire au monde comment son argent est dépensé », a-t-il martelé.
La recherchiste Monique Dumont a de son côté comparé la Loi sur l’accès à l’information à une vieille chaussette qui a vieilli et qui est devenue puante. Elle dénonce le « droit créatif » où les juristes usent de divers stratagèmes pour empêcher les médias d’obtenir les informations souhaitées. « Les restrictions ont été interprétées au fil du temps de manière de plus en plus restrictive », a-t-elle dit.
Effectivement, quelque chose doit changer dans la loi. Même le président de la commission le reconnaît. Mais que faire?
Mme Dumont exige que la Commission d’accès à l’information puisse demander des comptes, notamment en créant une liste noire des organisations récalcitrantes, en connaissant l’historique des demandes qui leur ont été formulées et leurs passages devant elle, mais surtout, en lui permettant de punir ces organisations.
Le ministre Fournier s’est présenté aux journalistes durant l’heure du lunch. Il admet que la formation des responsables de l’accès à l’information pourrait être meilleure et que la loi aussi, pourrait être améliorée. Il dit que l’État doit être plus transparent et que des mesures ont été prises et seront prises en ce sens.
Cela reste à voir, car seul Québec a réellement le pouvoir de changer la loi. Pour l’instant, l’obscurité demeure.
Le président ne peut pas se contenter de se cacher derrière la loi: la Commission n’a jamais exercé, depuis sa création, son pouvoir de poursuite pour appliquer les sanctions prévues par la loi pour les responsables d’organismes qui refusent de divulguer des documents publics. En effet, il faut que la Commission intente une poursuite pénale devant la Cour du Québec contre le responsable de l’organisme débouté, ce qu’elle a toujours omis de faire.
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