La Presse Canadienne nous apprenait hier que l’Agence du Revenu du Canada planche sur un site Web visant à corriger les erreurs recensées dans les médias à son endroit.
Si l’initiative est louable, en ce sens qu’elle permettrait de rectifier le tir quand une erreur factuelle se glisse dans un reportage, la pratique usuelle consiste généralement à contacter les journalistes afin qu’ils publient eux-mêmes une correction.
Plusieurs éléments de la dépêche me font toutefois grincer des dents, à commencer par ceci:
Cette page lui permettrait de rediriger les journalistes vers des réponses toutes préparées lorsqu’elle est inondée d’appels sur un sujet controversé.
En cas de non réponse, une réponse rédigée d’avance permet au journaliste d’intégrer le point de vue de la source sur un sujet X même s’il n’a pas réussi à la contacter. C’est pratique à l’occasion, il faut l’admettre.
Mais règle générale, il n’y a rien de pire qu’une réponse « toute préparée », parce qu’elle empêche parfois le journaliste d’approfondir le sujet. Celui qui prépare la réponse suppose parfois que le journaliste se contentera des informations présentées. Mais souvent, on a besoin d’aller plus loin, ou on a besoin de précisions. Et plus le sujet sera controversé, plus ce sera le cas. Bref, il serait fort probable que l’agence soit tout de même inondée d’appels.
Par ailleurs, une réponse rédigée d’avance, même si elle révèle des informations, ne signifie pas qu’on agit en toute transparence, car les éléments divulgués sont choisis par la source, qui choisit donc aussi de ne pas en divulguer d’autres.
De plus, la dépêche reproduit un commentaire issu d’une note d’information, qui laisse transparaître une intention quelque peu différente de l’ARC que celle d’offrir du contenu tout prêt à l’attention des journalistes.
Cette note d’information vise à faire le suivi d’une discussion avec votre bureau, sur des actions qui pourraient être prises pour faire passer notre message positif dans les cas où la couverture médiatique ne reflète pas le contenu que nous avons fourni.
En envoyant une réponse toute faite aux journalistes, parce qu’on n’approuve pas la manière dont l’information transmise est traitée, n’est-ce pas là une manière de contrôler le message?
Un peu plus loin, la dépêche de la PC fait état des réflexions de l’ARC sur la procédure.
D’un côté, l’agence voit l’avantage de publier des faits et des informations, « tant de manière générale que dans des cas où nous rencontrons des difficultés à générer la reprise par les médias de cette information et à obtenir une couverture équilibrée ».
Certes, il peut être pertinent de diffuser une partie d’information mise de côté par les journalistes, pour le bénéfice de la population. Or, si le seul problème est que le reportage ne reflète pas uniquement les points sur lesquels on souhaitait mettre l’emphase, il ne s’agit pas d’une erreur de fait.
En acceptant de fournir des informations à un journaliste qui s’est bien identifié, il faut accepter que celui-ci puisse traiter le message comme il l’entend et qu’on n’a plus aucun contrôle sur la suite du reportage.
Pour l’ARC, est-ce qu’une couverture équilibrée signifie une couverture lui étant favorable seulement?
On ne le dira jamais assez: les journalistes ne sont pas des courroies de transmission. Ils vont à la recherche d’informations issues de diverses sources, qu’ils combinent et qu’ils comparent, dans le seul but d’apporter un éclairage nouveau sur une situation.