Les attentats perpétrés contre le Charlie Hebdo à Paris ont entraîné un élan de solidarité et de consternation à travers le monde entier. Plus d’une semaine après la tragédie, quelles leçons peut-on tirer de ces tristes événements?
Ce qui ressort d’abord des réactions générales, outre la colère et la peine, c’est surtout l’incompréhension. Tout en condamnant le geste odieux qui a été commis contre douze personnes, mais aussi contre un principe fondamental de toute démocratie.
Ensuite, le mot-clic #JesuisCharlie et ses dérivés illustrés sont rapidement devenu viraux sur les médias sociaux. Ici, au Québec, douze quotidiens ont publié en manchette une caricature de l’hebdomadaire satirique, tant pour lui rendre hommage que pour dénoncer l’atteinte à la liberté d’expression dont il a été la cible. Idem ailleurs sur la planète, même si certains médias, pour plusieurs anglophones, ont été plus timides.
Le phénomène Charlie est aussi tombé à point, en ce sens où l’affaire Raif Badawi n’est pas passé inaperçu, comme un trop grand nombre d’injustices ailleurs dans le monde. Ici, au Canada, le cas de Mohamed Fahmy, ce journaliste canadien emprisonné en Égypte, suscite également l’indignation.
Première leçon: cette indignation, mais aussi cette défense viscérale de la liberté d’expression ne doit pas être éphémère. D’autres abominations viendront à nos yeux et à nos oreilles, malheureusement, car elles sont inévitables tant et aussi longtemps que des hommes se croiront supérieurs à d’autres et brimeront leurs droits.
Il faut donc éviter que Charlie, mais aussi tous les autres, passés et à venir, ne tombent dans l’oubli. Si notre train-train a déjà repris son cours, le combat pour la liberté d’expression, mais aussi pour tous les autres droits fondamentaux, continue toujours.
Par ailleurs, comme pour n’importe quel engouement populaire d’ampleur, des gens ont récupéré la cause à des fins politiques et économiques.
Plusieurs ont dénoncé la participation à des marches, ou la simple dénonciation des assassinats par des chefs d’État chez qui les droits de l’Homme ne sont pas nécessairement tous respectés.
D’autres ont vendu en ligne de la marchandise à l’effigie du mouvement #JesuisCharlie, bien que l’idéateur du concept se soit opposé à toute utilisation commerciale de son slogan.
C’est sans compter ceux qui se sont accaparés des copies du numéro des survivants, pour immédiatement les revendre à fort prix sur la Toile.
Deuxième leçon: quoi qu’on fasse ou dise, il y aura toujours des gens qui utiliseront ce qui, à la base, se veut un geste désintéressé, pour le tourner à leur avantage et en tirer un profit de quelconque nature. Les encourager entache la pureté du mouvement, qui se veut davantage un élan du coeur, une volonté sincère de changement.
Qui plus est, cette soudaine défense solidaire et collective de la liberté d’expression a mis en lumière une certaine forme d’incohérence chez certains d’entre nous.
Entre autres exemples, le maire de Saguenay, Jean Tremblay, bien connu pour susciter la controverse, s’est attiré une pluie d’injures pour avoir « osé » dire que les attentats étaient la faute du Diable, rien de moins.
Puis, Paul Arcand a habilement rappelé que certains « pro-Charlie » avaient sommé l’humoriste Sugar Sammy de se taire, lui qui donne dans la polémique et l’humour plutôt politique. Le comique avait même été menacé de mort tout juste avant une représentation de son spectacle à Sherbrooke. Il était quand même monté sur scène.
Troisième leçon à retenir: quand on prône la liberté d’expression, on ne peut la prôner que quand l’expression rejoint nos propres opinions et valeurs. Qu’on soit en accord ou non avec ce qui est dit, il est essentiel de respecter l’individu qui s’exprime et la manière dont il le fait — en autant qu’aucun préjudice ne soit volontairement commis à autrui de la sorte. Ça s’appelle être conséquent.