La semaine dernière, l’animateur d’Infoman, Jean-René Dufort, s’est présenté à une conférence de presse tenue par Zineb El-Rhazoui, journaliste de Charlie Hebdo en tournée au Québec.
Or, contrairement à tous les journalistes des autres médias, il s’est vu refuser une entrevue individuelle avec elle car celle-ci devait apparaître à Tout le monde en parle le dimanche suivant (ce soir). « TLMEP exige la primeur », note Dufort. Bloqué par son propre réseau, donc.
Il est connu que les invités de la populaire émission doivent se soumettre à une telle une entente d’exclusivité — les autres réseaux ont eux aussi recours à des ententes d’exclusivité. Mais ce faisant, il n’était pas possible ni pour Dufort ni pour de grands journalistes de la télévision publique, comme Anne-Marie Dussault, d’obtenir une entrevue de fond avec Mme El-Rhazoui.
Bref, au nom des cotes d’écoute, Radio-Canada écarte une actrice importante dans un débat d’actualité de ses émissions d’information.
Le dernier épisode d’Infoman soulève alors une question à laquelle on ne s’attarde pas très souvent: quelle valeur doit-on, ou peut-on, accorder à l’exclusivité?
D’abord, une valeur commerciale, qui sert principalement à attirer un bassin de consommateurs d’information désireux de connaître la nouvelle à la première heure. Plus un média propose du contenu exclusif, et plus celui-ci sera prisé par ses auditoires et donc intéressant pour des annonceurs.
De l’autre, une valeur informative. L’exclusivité devient l’information qu’il faut connaître, et qu’on ne connaîtra nulle part ailleurs pour le moment. Il faut qu’on sache.
À chaque média alors, de jongler avec ces deux valeurs et de trouver l’équilibre qui lui convient.
Or, on constate parfois que les auditoires potentiels priment sur le droit à l’information desdits auditoires.
Dans son topo, Jean-René Dufort interroge Lise Millette, vice-présidente de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, qui est également trésorière à la section Montérégie que je préside. Un « média qui impose ses politiques à une personnalité publique peut représenter un certain frein parce qu’on coupe l’accès » [à l’information], note-t-elle.
Paradoxal, quand même, quand on sait que Mme El-Rhazoui est venue au Québec pour défendre la liberté d’expression et la liberté de presse.
« Nous trouvons très comique de voir que dans une conférence de presse sur la liberté d’expression, une journaliste qui parle de la liberté d’expression ne peut pas parler à du monde qui aime parler de la liberté d’expression, tout ça à cause d’un apôtre de la liberté d’expression », ironise Infoman, un morceau de duct tape sur la bouche.
Ça dit tout.
La notion d’exclusivité trouve surtout sa valeur au niveau commercial, via le marketing d’un média. Dans le cas qui nous préoccupe, si je me souviens bien du topo d’Infoman, le plus paradoxal semblait être que El-Razhoui a pu parler à d’autres médias d’information, mais pas à ceux de Rad-Can. Le réseau se tire ici lui-même dans le pied, on dirait. En plus, c’est un contenu exclusif sous entente, et non le travail particulier d’un journaliste ou d’un média pour obtenir une information exclusive. Dans ce cas-ci, l’exclusivité ne semble vraiment servir personne, ni même l’auditeur.
Vous dites: «Plus un média propose du contenu exclusif, et plus celui-ci sera prisé par ses auditoires et donc intéressant pour des annonceurs.»
Est-ce que quelqu’un collige le nombre d’exclusivités de part et d’autres pour faire des comparatifs? Les gens suivent vraiment davantage un média pour ses exclusivités ou pour être bien informés (il y a une différence possible entre les deux)? Et est-ce qu’on fait la différence entre une exclusivité et une primeur?
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