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Les médias à l’ère du numérique

J’ai assisté vendredi à la journée de réflexion « Mutations dans l’univers de l’information: impacts et perspectives », organisée par le Centre d’études sur les médias (CEM).

Une journée fort intéressante, réunissant non seulement des observateurs de la communication et  des médias, mais aussi des cadres de plusieurs grandes entreprises de presse québécoises venus expliquer leur modèle d’affaires et leur vision du futur de l’industrie.

S’informer à sa manière

Le tout a débuté avec une présentation éloquente de Daniel Giroux, secrétaire général du CEM, sur les habitudes de consommation des médias, qui a été assez bien résumée ici par Stéphane Baillargeon, du Devoir. Les grandes lignes de la présentation indiquent que les Québécois consomment davantage d’information que leurs homologues du reste du Canada et des États-Unis.

On a aussi appris (ou plutôt, on s’est rappelé) que l’âge est le facteur sociodémographique le plus déterminant dans la consommation de l’information; les plus jeunes délaissent les médias traditionnels au profit des médias numériques et mobiles. Et l’information n’est pas le contenu le plus prisé par ces jeunes, qui veulent avant tout se divertir.

Néanmoins, l’arrivée des nouvelles technologies de l’information et des communications a permis d’amener un « certain redressement » quant à la consommation des contenus d’actualité. Ces technologies ont aussi fait exploser le nombre de réactions et de commentaires enregistrés sur ces contenus, et ce, tant chez les jeunes que chez les plus vieux.

M. Giroux conclut enfin que plus on est à l’aise avec les différentes technologies, plus on sera enclin à consommer de l’information.

Changement de culture

Ce dernier constat dressait la table à la suite des échanges, alors que Luce Julien, directrice Nouvelles multiplateformes et Info numérique de Radio-Canada, Éric Latour, directeur de l’information Radio pour Bell Média et Patrick Pierra, entrepreneur et consultant en contenus, médias et marketing, ont fait état des nouveaux défis auxquels étaient confrontées les entreprises de presse par cette révolution technologique.

Mme Julien note d’abord que les nouvelles plateformes numériques ont entraîné un changement de culture au sein des entreprises de presse, qui doivent revoir leurs méthodes pour s’adapter aux impératifs des nouvelles technologies. Maintenant, on ne s’informe plus qu’au matin en lisant le journal, ou en regardant le téléjournal de fin de soirée. On s’informe en tout temps, et en ligne; il faut donc que les médias alimentent leurs plateformes en continu.

M. Pierra a pour sa détaillé la pénétration fulgurante des tablettes depuis leur mise en marché. « On parle moins de nouvelles formes de contenu que de nouvelles formes d’interactions », a-t-il expliqué.

Les régions sur tablette: sauve-qui-peut

Plateforme incontournable, les tablettes constituent la nouvelle avenue pour rejoindre de nouveaux auditoires pour plusieurs grands médias canadiens, comme La Presse, The Gazette et le Toronto Star. D’ailleurs, de ces organisations respectives, Yann Pineau, Lucinda Chodan et John Cruickshank sont venus parler de leur virage sur tablette, des succès connus et à venir et de leur optimisme face au futur.

 Ce dernier indiquait d’ailleurs que la crise existentielle à laquelle sont actuellement confrontés les quotidiens serait survenue indépendamment des avancées technologiques que l’on connaît. Selon M. Cruickshank, cette crise, ou plutôt ce déclin des auditoires, est davantage attribuable au vieillissement des lecteurs présents et au désintérêt de l’actualité des plus jeunes. Qui plus est, la pyramide démographique inversée rend plus difficile le remplacement des vieux lecteurs par la nouvelle génération, moins nombreuse.

Selon l’éditeur du quotidien torontois, les médias d’information devront se réinventer et devenir des médias « d’actualité et d’auditoires » (News and Audience organizations), qui devront en conséquence produire des contenus faits sur-mesure pour ces auditoires. Il faudra également revoir les techniques d’information, car celles traditionnellement utilisées par les médias s’appliqueront difficilement aux nouveaux médiums.

Et que dire des médias régionaux? Alors qu’on encensait les nouvelles plateformes numériques des grands quotidiens montréalais, le sort des médias hors métropole a semblé être écarté de la réflexion. Ces médias, plus petits, hyperlocaux et disposant de moyens financiers beaucoup plus modestes, sont néanmoins aux prises avec les mêmes problématiques que leurs équivalents de la métropole.

Quand on a posé la question à ces intervenants, sur un virage à prendre, ceux-ci n’ont su que répondre.

Bref, il semble que pour les médias régionaux, ce soit sauve-qui-peut, pour l’avenir.

Mais l’information dans tout ca?

Même si le titre de la journée traitait de l’univers de « l’information », la facette journalistique des médias n’a été traitée qu’en surface, à mon avis. On s’est davantage attardé au contenant qu’au contenu, signe de l’époque à laquelle nous vivons et qui met parfois un peu trop l’emphase sur les apparences.

On a certes rappelé que « l’information n’a pas de valeur économique intrinsèque », mais on a quand même pris le temps de rappeler qu’elle avait un coût.

Les contenus commandités (branded content) ont aussi été abordés, sans générer d’accord. Certains la croient nécessaire et dans l’air du temps, les puristes jugeaient qu’elle induisait les auditoires en erreur en leur faisant croire qu’il s’agissait de contenu rédactionnel régulier.

Claude Poulin, copropriétaire de Néomédia, a rappelé l’importance de l’information régionale, une bonne chose à mon avis. Mais son discours en a choqué plus d’un quand il a estimé la valeur de l’information au nombre de clics qu’elle générait.

Il n’y aura eu au final qu’une journaliste invitée aux différents panels, Valérie Gaudreau du Soleil, et présidente de la section Québec de la FPJQ. Heureusement, elle a rappelé l’importance des médias « hors Montréal » et l’importance de rapporter ce qui se déroule sur le terrain, de la surveillance des élus et de la diversité des voix.

Elle donnait écho au témoignage d’Antoine de Tarlé, président des Éditions Ouest France, qui a vu les médias régionaux français se métamorphoser au cours de leur propre crise existentielle.

Quelles conclusions tirer de la journée? D’abord que même s’ils traversent une crise existentielle, bon nombre de médias sauront tirer leur épingle du jeu s’ils font preuve de créativité, et que ceux qui ne sauront pas s’adapter à un auditoire en pleine transformation ne pourront durer encore bien longtemps.

Mais aussi, comme le souligne le professeur émérite François Demers, il faut se réjouir que les gens continuent de s’informer.

C’est au moins ça de pris!

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2 réflexions au sujet de “Les médias à l’ère du numérique”

  1. On parle de qui, quand on parle des «jeunes»? Parce que même moi, devenu un boulimique de l’information, je ne lisais pas vraiment de journaux ni ne suivait assidument les bulletins télévisés avant le cégep. Mes intérêts étaient bien ailleurs. Si on parle des 18-35, je comprends mieux l’intérêt de vouloir les attirer s’ils ont vraiment déserté. Mais si on parle des 14-25, je ne suis pas convaincu qu’ils soient moins nombreux à s’informer qu’il y a 25 ou 40 ans.

    Et c’est vraiment agaçant cette notion du clic. Je suis de plus en plus persuadé que c’est ce qui est en train de miner notre profession et qui va la conduire à sa perte. À vouloir se substituer aux médias sociaux, les médias traditionnels vont tout simplement perdre leur véritable raison d’être, informer.

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