Dans le cadre de leurs fonctions, les journalistes doivent laver plus blanc que blanc. La moindre erreur et on les accuse souvent d’avoir un parti pris. Le moindre faux pas et on peut perdre toute crédibilité.
Comment s’y retrouver? L’ombudsman des services français de CBC/Radio-Canada, Pierre Tourangeau, a animé au cours du congrès de la FPJQ un atelier intitulé « Comprendre l’éthique et l’intégrer à sa pratique ».
Ancien journaliste et ancien cadre au sein d’une salle de nouvelles, M. Tourangeau savait de quoi il parlait, lui qui est parfois amené à blâmer certains collègues. Son atelier permet de nous poser des questions sur notre pratique, et de nous décoller le nez du quotidien pour faire de nous de meilleurs travailleurs de l’information.
L’ombudsman a débuté sa conférence en affirmant qu’en journalisme, l’éthique se confond avec les règles de l’art. En somme, l’éthique journalistique est l’un des fondements du métier, qui consiste essentiellement dans la transmission de faits et d’opinions tels quels.
Car avec la liberté de presse vient une grande responsabilité, celle de définir l’intérêt public, allègue M. Tourangeau. Cette définition varie toutefois d’un média à l’autre, d’où l’autorégulation de chaque média, qui possède ses propres normes éthiques, dont les grandes lignes se rejoignent quand même.
Cette réflexion sur l’intérêt public et la responsabilité des médias est devenue beaucoup plus importante avec la multiplication des plateformes. M. Tourangeau rappelle qu’un média social et un blogue sont des médias, et que certaines règles d’éthique sont à observer.
Le conférencier a ensuite énoncé quatre grands principes qui régissent l’éthique: servir l’intérêt public, refléter la diversité, préserver l’indépendance journalistique, et la responsabilité sociale des médias. Il a aussi fait état de cinq valeurs essentielles à la pratique du bon journalisme: exactitude, intégrité, équité, équilibre et impartialité.
Ces trois derniers termes ne sont pas des synonymes, rappelons-le. L’équité, c’est de traiter les différentes opinions avec le même égard; l’impartialité, c’est d’en parler sans laisser paraître son propre point de vue, et l’équilibre, c’est de le faire dans une proportion qui ne fait pas la promotion d’une de ces positions plus qu’il ne le devrait. « Imaginez donner le même espace médiatique au Parti Rhinocéros qu’au Parti conservateur. Si c’était le cas, vous feriez la publicité du premier, parce que vous lui accorderiez beaucoup plus d’importance que ce qu’il représente en intentions de vote et en nombre de sièges », illustre M. Tourangeau, qui reçoit et analyse plus de 2000 plaintes par année. La plupart portent sur l’exactitude des faits, sur l’équilibre entre les différents points de vue présentés et sur l’impartialité alléguée d’un ou d’une journaliste.
Selon l’ombusdman, le public comprend mal ou ne veut pas comprendre le rôle des journalistes, ce qui peut expliquer pourquoi certaines plaintes, au final, ne sont pas fondées.
Comme les journalistes, plus particulièrement des généralistes, ne sont souvent pas des experts dans tous les sujets dont ils traitent, il se trouvera toujours quelqu’un qui connait mieux le dossier pour le critiquer. Mais le rôle des médias est de vulgariser, de communiquer et d’éduquer la population qui, elle, ne connaît à peu près pas ce sujet.
M. Tourangeau conclut en énumérant plusieurs manières de se protéger et pour préserver une éthique de travail irréprochable, à commencer par l’attribution des propos et des faits. La vérification de ceux-ci est aussi primordiale, car le rappelle-t-il, une information qui nous semble être un fait peut être un « spin », c’est-à-dire une information plantée par un acteur qui a un intérêt à y gagner.
On en profite pour souhaiter une belle retraite, fort méritée, à M. Tourangeau, qui a annoncé tirer sa révérence le 31 mars prochain. Bravo, et merci.