Aujourd’hui, je réponds au blogueur Yanick Barrette qui, dans son billet La laideur humaine, se plaignait récemment que les journalistes ne rapportent que des mauvaises nouvelles.
Plus encore, l’auteur juge que les médias tirent profit de l’exploitation des mauvaises nouvelles, ce qui aurait pour conséquence de favoriser une certaine culture de l’horreur.
Vous me ferez sans aucun doute remarquer que la présentation d’une mauvaise nouvelle est souvent un moyen pour dénoncer une situation, un phénomène, etc.; or, malgré cet aspect contestataire, je ne suis guère naïf, car l’exhibition (et oui c’est de l’exhibitionnisme), en boucle, des images d’une catastrophe ou d’un malheur n’est pas un outil de dénonciation, mais davantage une forme de propagande de l’abomination.
Peu importe ce qu’ils rapporteront, les journalistes auront toujours tort aux yeux de leurs détracteurs, comme ce serait le cas de n’importe qui. Soit nous sommes sensationnalistes, soit nous rapportons de la non-nouvelle. Il faut à ce point revenir à l’essentiel, pour comprendre ce que les médias rapportent en premier lieu: qu’est-ce qu’une nouvelle?
Allons-y avec une définition tout à fait primaire, trouvée sur le site du service Allô Prof:
La nouvelle journalistique est un texte qui, à partir d’un événement d’actualité, met en scène le plus efficacement possible l’essentiel des faits nouveaux ou intéressants. Elle vise à informer le plus précisément et le plus rapidement possible, de façon simple et concise.
Ajoutons la sous-définition du faits divers, qui s’applique aussi à la nouvelle traditionnelle:
Tout événement susceptible de piquer la curiosité des lecteurs et des lectrices en raison du fait qu’il sorte de l’ordinaire.
Comprenons-nous donc ici. Si les choses se déroulent comme elles doivent se dérouler, il ne s’agit pas d’une nouvelle. Allons-y d’un exemple.
Si un hebdomadaire de quartier faisait un article affirmant qu’il y a très peu de livres rendus en retard à la bibliothèque, le journaliste se fera critiquer pour la non-nouvelle qu’il a publiée.
Or, si le taux de retard à cette même bibliothèque est très élevé par rapport aux autres établissements de la région, ou au contraire qu’aucun retard n’a été enregistré au comptoir disons, dans les dix dernières années, on parle alors d’un fait plutôt insolite et digne de mention. La nouvelle peut alors être positive ou négative.
De ce fait, en ne rapportant que les bonnes nouvelles, il y aurait de fortes chances que les journalistes tombent dans la non-nouvelle.Mais est-ce automatiquement le cas? Pas du tout. Que dire des bilans positifs, des créations d’emplois, du rayonnement de nos artistes et entreprises au-delà des frontières, des lauréats de prix et des histoires qui finissent bien?
En même temps, pensons-y, un média qui ne traite que de nouvelles positives, c’est bien, mais c’est loin d’être la réalité. On ne vit malheureusement pas dans un monde rempli d’arcs-en-ciel et de papillons, et ce monde est immense. Impensable alors, qu’une journée se déroule sans que les choses ne tournent mal pour quelqu’un, quelque part.
Dans un autre ordre d’idées, bien que je sois d’accord avec le fait qu’ils entraînent un certain cynisme, particulièrement à l’égard de la classe politique, ils ne sont pas (les seuls) responsables de la dépression collective que dit constater M. Barrette:
Dans cet ordre d’idées, le lavage de cerveau orchestré par la propagande de l’horreur, avec ses milliers d’images nocives, laisse très peu de place à l’épanouissement individuel et collectif. Il y a donc effectivement une distorsion de la réalité, dans l’optique où le spectacle médiatique qu’on nous offre représente l’exception et non la norme. Pire encore, la couverture des évènements et des situations, locaux comme mondiaux, priorise l’anecdotique dans un monde où la créativité, l’innovation et le travail constituent la vraie réalité quotidienne pour la majorité des gens.
Je le répète: les médias servent tout autant à rapporter des faits divers hideux qu’à souligner les bons coups de nos concitoyens. Cette dernière affirmation est exagérée, particulièrement parce que les quelques exemples placés ici et là n’ont pris que quelques minutes à être recensés. Ils sont peut-être simplement moins visibles parce que la nature humaine est ainsi faite qu’elle remarque davantage ce qui cloche…
L’auteur s’insurge aussi contre le fait que les médias accordent trop d’importance aux personnages « négatifs » de l’actualité, en leur consacrant des dossiers, des notes biographiques et des pages entières pour détailler chaque aspect de leur vie alors qu’on ignore pratiquement les personnes ayant accompli quelqu’un d’extraordinaire.
Là-dessus, il n’a pas complètement tort. Sans affirmer qu’on occulte complètement le vécu de nos « héros », il est vrai à mon avis que les médias s’attardent davantage au passé des « méchants ». Pourquoi donc?
Mon hypothèse là-dessus est qu’ils cherchent à comprendre, à expliquer pourquoi un être humain en est venu à poser les terribles gestes dont on l’accuse, comme si la réponse se trouverait quelque part. À l’inverse, le « héros » lui, est une personne tout à fait normale, et c’est dans la normalité des choses qu’elle ait accompli un acte positif. Ah, l’idéalisme…
J’ajouterais aussi que les protagonistes de faits divers fascinent le public. Nous avons une curiosité morbide, parce que nous n’arrivons pas à nous expliquer comment quelqu’un peut poser des actes, aussi cruels soient-ils.
En somme, les médias n’ont pas une tendance volontaire à préférer les mauvaises nouvelles aux autres. Ils ne font que faire état d’une société dans laquelle, rien n’est parfaitement blanc ou parfaitement noir.