Dans une saga qui devient de plus en plus sordide à chaque jour, nous apprenions cette semaine que le site de potins Gawker avait réussi à obtenir 200 000$ de financement. L’objectif? Acheter la fameuse vidéo, introuvable paraît-il, dans laquelle on verrait le maire de Toronto, Rob Ford, fumer du crack.
Le chroniqueur de La Presse, Yves Boisvert, établissait il y a quelque temps un récapitulatif des événements qui ont mené à la publication des allégations liant encore plus intimement le maire et le monde interlope:
Un gang de trafiquants de crack somaliens a mis en vente une vidéo censée mettre en scène le maire de Toronto, Rob Ford, fumant du crack et disant deux, trois trucs pas gentils sur Justin Trudeau et les jeunes de minorités ethniques de son équipe.
Ils réclament “dans les six chiffres”, donc au moins 100 000$, mais plutôt 200 000$, paraît-il.
Ces gens ont appâté deux journalistes du Toronto Star et leur ont montré cette vidéo d’une minute 30 secondes trois fois, le vendredi 3 mai.
Évidemment, le Star a refusé de payer. Et n’a rien diffusé sur le coup, incapable d’authentifier le document, ni évidemment le contenu de ce qui est fumé dans les pipes, si tant est qu’il s’agisse vraiment du maire Rob Ford.
Treize jours plus tard, un site à potins américain, Gawker, diffuse l’info, ayant vu la vidéo, mais ne l’ayant pas expertisée non plus.
Cette diffusion a précipité la publication de l’histoire dans le Star, plus gros tirage au Canada.
Cette suite d’événements remet en question l’un des grands principes de base du journalisme voulant que l’information soit gratuite. En effet, un journaliste ne devrait jamais avoir à payer pour obtenir les renseignements d’intérêt public qu’il convoite.
On ne parle pas ici des informations détenues par un organisme public, qui est tenu de remettre à tout citoyen en faisant la demande, tout document existant et qu’il a en sa possession, tel que le stipule l’article 11 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et la protection des renseignements personnels. La FPJQ offrait d’ailleurs récemment une formation sur le sujet.
En dehors des organismes publics, gouvernementaux et paragouvernementaux encadrés par cette loi, rien n’oblige une partie à remettre un document.
Dans tous les cas, l’éthique journalistique commande aux reporters de ne jamais payer pour obtenir des documents.
Autrement, ce serait créer un dangereux précédent. Une fois la chose faite, la pratique pourrait se répandre, ce qui serait non seulement nuisible pour le travail des journalistes, mais pour l’intérêt public tout court. Il y aurait ainsi beaucoup trop d’éléments qui ne pourraient jamais être portés à l’attention du public, des dossiers qui ne verraient jamais le jour. Trop de choses balayées sous le tapis.
Et Dieu sait que de toute façon, plusieurs essaient – et réussissent malheureusement parfois – à nous mettre des bâtons dans les roues…
Et si l’information n’était pas accessible autrement?
Yves Boisvert s’insurgeait d’ailleurs contre la pratique. « Voilà un site qui réussit à faire payer par un public voyeur une vidéo vendue par un gang criminel! » écrivait-il dans son billet, soulignant par la bande qu’un site de potins financerait ainsi le crime organisé.
Je n’aurais pas pu mieux dire.
OUI DANS LA MESURE OU ELLE APPORTE UN PROFIT SUPLEMENTAIRE A LA PERSONNE QUI LA DETIEN
J’aimeJ’aime