Ce texte de la journaliste de Métro Judith Lussier a fait beaucoup réagir, parce que l’auteure traite de la fameuse relation amour-haine qui existe entre les relationnistes et les journalistes. Cela lui a d’ailleurs valu une réplique de la Société québécoise des professionnels en relations publiques.
Les liens qui unissent journalistes et relationnistes, frères ennemis, forment une relation qui parfois nous fait rager, mais qui plus souvent nous est fort utile, ne l’oublions pas. L’auteure y va d’un constat ma foi assez sévère:
Les journalistes ont toujours entretenu une relation ambiguë avec les relationnistes. Et pour cause : ce sont eux que les compagnies paient pour tenter de nous manipuler. Et être manipulé, c’est à peu près la pire chose qui puisse arriver à un journaliste.
Pour parvenir à leurs fins, les relationnistes ont toutes sortes de stratégies à leur disposition. Ils peuvent faire copain-copain avec nous, nous faire filer coupable, ou nous acheter en nous offrant des bébelles.
Les relationnistes cherchent à nous manipuler? Une perception partagée par 82% des travailleurs des médias, selon une étude datant de 2005 et que je vous invite fortement à consulter, réalisée par la Chaire en relations publiques de l’UQAM, mais qui est loin de la réalité. Ils cherchent plutôt à défendre leur entreprise et à bien la faire paraître dans les médias, ce qui ne constitue qu’un infime aspect de leur travail. Évidemment, quand leur compagnie se retrouve dans l’eau chaude pour diverses raisons, les relationnistes doivent faire tout en leur pouvoir pour minimiser l’impact que cela peut avoir sur les intérêts de leur client. Mais jamais un relationniste de qualité ne devrait chercher à berner un journaliste (ou quiconque, d’ailleurs). Un relationniste avisé sait qu’un journaliste qui se sent manipulé ne tombera pas dans le piège. Je l’écris une fois de plus: nous ne sommes pas de simples courroies de transmission.
En ce qui concerne les tentatives de corruption avancées par Mme Lussier, je crois qu’un journaliste intègre ne tombera pas dans le panneau. Le respect de la déontologie fait en sorte que de telles situations sont facilement évitables.
En tant que journaliste, faire preuve de mauvaise foi face aux relationnistes, c’est un peu se tirer dans le pied. On a beau leur reprocher de vouloir constamment faire pencher la balance de leur côté, n’empêche que ne serait-ce d’eux, le travail des journalistes serait de beaucoup plus ardu. Toujours selon l’étude de la Chaire, si moins du tiers des travailleurs des médias percevaient les relationnistes comme des obstacles à la quête d’information, la moitié les considérait plutôt comme des alliés.
L’auteure du billet le reconnaît elle-même, plusieurs relationnistes « retournent nos appels rapidement, qui ne nous débouquent pas à la dernière minute, qui nous briefent sans nous inonder d’information, qui nous laissent nous faire notre propre idée et qui ne nous donnent pas d’excuse bidon pour refuser une entrevue. » À la base, le travail du relationniste est, évidemment, de présenter des informations qui avantagent l’organisation qu’il a le mandat de représenter, en plus de l’aiguiller sur ses différentes communications avec différents publics: fournisseurs, clientèle, grand public, investisseurs, etc.
Pour citer la journaliste, en faisant « copain-copain » avec les relationnistes, il est possible de développer une relation (professionnelle, sans tomber dans le conflit d’intérêts, ça va de soi) qui bénéficiera aux deux parties; l’un obtiendra des informations à toutes fins utiles alors que l’autre gagnera de la visibilité qui profitera à son entreprise.
À la fin de son billet, Mme Lussier y va d’une affirmation percutante:
Mais la pire stratégie, c’est celle qui consiste à emberlificoter le message. Parmi les services offerts par Cohn & Wolfe, il y a la «formation de porte-parole». Entre nous, on appelle ça les cours de cassette.
Si l’auteure s’insurge contre la fameuse « cassette », c’est que souvent, les relationnistes, ou les intervenants qu’ils sont sensés préparer, s’en tiennent effectivement à un discours duquel ils ne se sentent pas capables de sortir.Le cas échéant, il est vrai que c’est lourd pour un journaliste, qui doit user de stratégie pour tirer les vers du nez à son interlocuteur.
Une formation de porte-parole peut être très utile tant à ce dernier qu’au journaliste, car le porte-parole pourra mieux vulgariser l’information et communiquer son message plus efficacement.
Enfin, n’oublions pas que nombreux sont ceux à passer du côté « obscur » de la force, et vice-versa. L’Autre ne doit pas être si terrible, si un jour on vient à exercer le même métier!
Au final, chacun cherche à faire son métier de son mieux. Peut-être que ce conflit identitaire, fraternel, mais surtout, inévitable, trouve sa source dans le fait qu’il semble y avoir une méconnaissance profonde du métier de l’Autre et ce, des deux côtés.