En deux jours, la FPJQ a dénoncé coup sur coup deux entraves à la liberté de presse.
Tout d’abord, le journaliste Alexandre Shields, du Devoir, a été expulsé d’une rencontre de consultation publique à laquelle les médias étaient conviés (on apprendra ensuite que ce n’était que pour une prise d’images) par communiqué de presse.
On apprenait ensuite que les journalistes seraient persona non grata dans toutes les autres séances prévues dans le cadre de cette tournée, parce que « c’est ce qui a été décidé ». Le tout se tiendrait à huis clos. Le ministre Arcand laissait entendre que la couverture des événements serait un « danger« , que les gens prendraient pour acquis que les discussions seraient des décisions fermes de la part du gouvernement.
J’aimerais savoir quel est ce danger aux yeux du ministre, qui a lui-même œuvré dans l’univers des médias et dont le frère, réputé pour ses entrevues serrées, est appelé le Roi des ondes.
Serait-ce le danger que l’information soit mal comprise par le public? Car des demi-informations font beaucoup plus pour cela que le dévoilement de l’ensemble. Il me semble aussi que de conclure que le public tirera des conclusions hâtives des informations qui lui sont présentées revient à sous-estimer ce public.
Comme l’indique la FPJQ dans sa prise de position, « il ne s’agit pas ici de consultations privées au bureau du ministre, mais de rencontres publiques, convoquées par un organisme public à l’intention du public et qui discute d’enjeux publics. »
Pas mal, pour un gouvernement qui s’était engagé à être le plus « transparent de l’histoire » et qui, quelques mois plus tard, interdit à ses ministres de s’adresser aux journalistes avant d’avoir pris connaissance des do’s and dont’s quotidiens du cabinet.
Puis, le lendemain, la Fédération a dénoncé l’expulsion d’une cameraman d’une gare de l’AMT, à Mont-Saint-Hilaire. Ce n’était pas la première fois qu’un tel incident se produisait, alors que l’agence métropolitaine de transport invoque le fait que les journalistes n’ont pas demandé l’autorisation pour se présenter dans ce lieu… public. On ne parle donc pas d’une zone restreinte aux employés ou d’un endroit où la sécurité d’un passant pourrait être menacée s’il n’est pas accompagné d’une personne autorisée.
Ça m’apparaît comme un drôle de standard. N’importe qui pourrait arriver à la gare avec un grand sac, faisant mine de vouloir prendre un train. On ne dira rien et on ne le fouillera pas sauf si on a de bonnes raisons de croire qu’il veuille commettre un acte ignoble. Quelqu’un demandera l’heure à une autre personne présente sur le quai, et une conversation s’en suivra, que personne ne dira mot de la discussion.
Mais qu’un journaliste se présente, en toute transparence, dans un lieu où n’importe qui peut aller, pour prendre des images ou interroger Monsieur et Madame Tout-le-monde sur ce qu’il pense du service de trains de banlieue, par exemple, ça ne passe pas. Le micro et la caméra sont interdits.
Passera-t-on un jour une loi pour interdire aux journalistes de se trouver à moins de neuf mètres des bâtiments publics, comme on l’impose aux fumeurs? Les journaux et les télés devraient-ils avoir des emballages aux photos qui font peur, en portant la mention: attention, les nouvelles pourraient vous rendre plus intelligents!?
Allons même plus loin: en refusant l’accès aux journalistes aux lieux publics pour qu’ils puissent interroger de simples citoyens, ou rapporter les propos d’interlocuteurs, on tente évidemment de contrôler le message, mais aussi on contrôle ces personnes en brimant leur droit de s’exprimer.
La force du nombre a aussi un rôle a jouer dans ces deux cas. Et si Alexandre Shields n’avait pas été le seul journaliste aux séances du ministre Arcand? Et si la journaliste à la caméra était accompagnée à la gare, de ses collègues des autres stations? Est-ce que, si plusieurs journalistes s’étaient présentés pour couvrir l’événement, les autorités auraient agi de la même façon envers eux? Il est toujours plus facile d’entraver le travail d’un seul journaliste que de s’en prendre à plusieurs à la fois.
Alors, de deux choses l’une aux yeux des autorités: ou bien ce qu’on dit être public ne l’est pas réellement, ou bien les journalistes ne sont pas considérés comme des membres du public, donc comme des citoyens comme les autres.
Peu importe quelle option on choisit, il y a dans ces constats une grande hypocrisie, parce qu’on se dit transparent, dans la mesure que l’on désire. Pourtant, la transparence, c’est tout ou rien; on ne peut pas être clair un jour et complètement opaque le lendemain.
Pour terminer, je vous invite à lire ce billet de Pierre Trudel, que j’ai trouvé fort intéressant, particulièrement sa conclusion.