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Est-il éthique d’acheter la vérité?

Telle est la question que soulève la pratique du publireportage.

Dans certaines publications d’information, comme les quotidiens, cette tâche est confiée au rédacteur publicitaire, qui travaille davantage avec le département des ventes. Cette personne ne collabore pas au contenu informationnel du journal, donc ne rédige pas de a nouvelle journalistique. Dans d’autres médias, comme les hebdomadaires locaux, les équipes (et les moyens) sont beaucoup plus modestes: ainsi, il n’est pas rare que ce soit le journaliste qui rédige le publireportage, en plus de ses tâches régulières. Dans tous les cas, le publireportage est rarement signé pour éviter toute apparence de conflit d’intérêts.

Détrompez-vous; parce qu’il est écrit par un journaliste, le publireportage demeure un texte véridique, rédigé dans les règles de l’art. Cependant, le fait que l’article soit commandité par la source elle-même et qu’elle ait un droit de regard sur le produit final oriente le reportage vers la direction qui convient le mieux à celle-ci.

Bref, dans un publireportage, on vous montre (théoriquement) la vérité une organisation, certes, mais la vérité qui l’avantage le plus. Et on éclipse la vérité qui la désavantage.

Dans un autre ordre d’idées, il est courant que la publicité oriente le contenu d’un média, surtout au niveau des magazines ou des cahiers spéciaux. Puisque la publicité est le principal revenu des médias, ceux-ci feront tout en leur possible pour accommoder les annonceurs, qui déboursent parfois jusqu’à plusieurs milliers de dollars pour un peu de visibilité. Ainsi, il n’est pas rare de voir certaines publicités entourées de contenu en lien avec les produits et services offerts… Quel accommodement!

De même, il est de plus en plus fréquent que la présentation du publireportage reproduise la mise en page d’un article. D’autres pratiques journalistiques sont utilisées pour confondre les lecteurs, une façon de faire décriée par le Conseil de Presse du Québec. En effet, pour préserver la crédibilité d’un média, qui passe par son objectivité et l’absence de parti pris, la distinction entre publicité et rédaction doit sauter aux yeux. Le CPQ n’est d’ailleurs pas le seul à dénoncer ce phénomène.

Le Conseil remarque – les plaintes qui lui sont soumises en font foi – que plusieurs moyens sont alors utilisés pour imiter de près la forme et les caractéristiques propres aux articles d’information : la mise en pages, la typographie, la structure rédactionnelle, les illustrations, les bas de vignettes et même le témoignage de personnes, photo à l’appui, à l’image du  » vox populi « .

Par ailleurs, ces publireportages sont très souvent identifiés d’une manière insuffisante. Soit que la mention  » publireportage  » s’avère difficilement repérable en raison de son emplacement ou de la petitesse de son caractère, soit que l’on identifie ces publicités par les seules lettres  » P. R.  » ou encore qu’il n’y ait aucune mention particulière.

Bref encore, un publireportage vous montre la vérité, certes, mais la vérité présentée de manière à vous convaincre et vous confondre.

Parce que cette vérité est achetée et présentée dans le meilleur contexte possible pour la rendre pertinente, percutante et convaincante, donc absolument pas objective, neutre ou dénuée de partialité, la cible ne peut se faire une idée juste du produit ou service promu, aussi miraculeux pourrait-il être.

Rappelons-le, il s’agit d’une publicité déguisée en article d’information.

D’un point de vue éthique, le publireportage souligne donc un flou quant à l’approche utilisée avec la cible. Il importe de ne pas trop se jouer de celle-ci, car elle n’est pas dupe. Malheureusement, si l’apparence d’un publireportage peut berner le lecteur, ce dernier s’en prendra également au média.

Un conseil, chers publicitaires. Votre produit est miraculeux? C’est le plus génial de tous? Votre service changera des vies? Dites-le avec une pub.

3 réflexions au sujet de “Est-il éthique d’acheter la vérité?”

  1. J’apporterais bien un petit correctif à votre formulation (« parce qu’il est écrit par un journaliste, le publireportage demeure un texte véridique, rédigé dans les règles de l’art »), car elle me dérange en tant que journaliste.
    Un journaliste peut être amené par son journal, pas forcément désargenté d’ailleurs, à écrire un publireportage. Mais les « règles de l’art » n’y seront en aucun cas respectées. Le publireportage ne fait que singer un art dont il piétine les règles fondamentales d’indépendance et d’objectivité. Vous montrez d’ailleurs très bien qu’un publireportage trompe plus sournoisement qu’une pub parce qu’il singe à la perfection jusque dans la mise en page. Alors, pour reprendre vos termes « éclipser » volontairement « une vérité qui désavantage », c’est mentir et singer un reportage, c’est aussi mentir. Il n’y a pas là de « texte véridique » mais une forme d’escroquerie, souhaitée par les commerciaux, encouragée par les rédactions. Normal qu’un journaliste ne signe pas, il arrive même – assez rarement – qu’il refuse d’écrire, même si son journal est petit et désargenté.

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