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Drames: a-t-on besoin de tout savoir?

Terrible, mais quel terrible drame que celui d’hier matin. Un ex-journaliste en colère s’est vengé en tuant deux anciens collègues qui tournaient un direct. Un pur règlement de compte qui n’a rien à voir avec une atteinte à la liberté de presse.

Depuis la tragédie, les médias de partout dans le monde essaient de grappiller le plus d’information possible pour dresser un compte rendu fidèle de la situation. Mais aussi pour être perçu comme LA référence sur le sujet.

Cela a commencé par la diffusion, totale ou partielle du vidéo de la fusillade, où on ne voit pas les journalistes mourir en tant que tel. On a ensuite pu voir, en cherchant un tout petit peu, les vidéos filmées par le tireur lui-même alors qu’il enlevait la vie de deux ex-collègues qui se sont trouvés au mauvais endroit au mauvais moment.

Des médias et des journalistes ont ensuite suivi en direct la chasse à l’homme. Qui est-il d’ailleurs? Dans les heures qui ont suivi la tragédie, on pouvait déjà trouver des portraits très détaillés du tireur, qui retraçaient son histoire depuis l’adolescence, en passant par son parcours professionnel et ses nombreuses prises de bec avec des collègues.

Certains quotidiens en ont même utilisé une capture d’écran, au moment où il fait feu, pour illustrer leur première page. Des tabloïds et des chaînes télévisées ont fait jouer les vidéos en boucle; d’autres les ont censurées ou ont refusé de présenter les images à leur public.

Bientôt, tous ceux qui ont côtoyé de près ou de loin le tueur ou les victimes auront droit à leur place sous les projecteurs.

La couverture médiatique de cette situation, comme à chaque fois qu’un drame du genre se produit, soulève quelques questions. Jusqu’où peut-on aller pour décrire la tragédie et la mettre en contexte sans tomber inutilement dans le voyeurisme et le sensationnalisme? Est-ce parce qu’une nouvelle similaire avait été traitée ainsi dans le passé justifie de faire la même chose à nouveau?

Je m’étais posé la question en 2013, plus particulièrement sur l’utilisation de photos susceptibles de choquer. À l’époque, j’estimais que de pouvoir illustrer un drame a beaucoup plus d’impact parce que cela frappe l’imaginaire.

Mais qu’en est-il du contenu, des détails servis à outrance afin d’être le média offrant le tour d’horizon le plus complet, au terme d’une course contre la montre où tout va de plus en plus vite avec les médias sociaux?

C’est un travers du journalisme: on est tellement habitués d’expliquer qui fait quoi, quand, où et comment, qu’on l’applique à toute situation, sans considération. Dans le cas d’aujourd’hui, ou dans d’autres, similaires, est-ce essentiel?

Demandons-nous ce qu’il était nécessaire de dire ou de montrer. Certes, un suivi du déroulement de l’événement s’imposait. Il fallait dire était l’auteur de ce crime et ce qu’il lui était arrivé. On pouvait dire qu’il s’était filmé, mais fallait-il  montrer les images, comme certains l’ont fait?

Parce qu’en en disant/montrant trop, on sombre dans le sensationnalisme, mais en n’en révélant pas assez, on ne respecte pas notre rôle de journaliste qui est d’être témoin et de dénoncer ces horreurs.

La clé réside peut-être dans le dosage, qui constitue un simple rappel de notre mission: éclairer, faire comprendre. Quels éléments permettent-ils de bien communiquer la nouvelle au public, et quels éléments deviennent alors superflus? Pense-t-on pouvoir expliquer l’inexplicable, rationaliser l’irrationnel, en étalant le moindre détail de cette sordide histoire? Ou n’est-ce pas plutôt pour satisfaire une curiosité morbide?

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