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Scandales et liberté de presse

On apprenait ce matin que l’Agence de Revenu du Canada songe à poursuivre CBC/Radio-Canada pour obtenir les données concernant les Canadiens impliqués dans des pratiques d’évasion fiscale révélées par les fameux Panama Papers.

La semaine dernière, le média public avait déjà refusé de se plier à la demande de l’ARC de lui fournir les informations « sensibles ».

Le porte-parole conservateur en matière de Revenu, Ziad Aboultaif, a critiqué la décision de CBC/Radio-Canada de ne pas remettre ses données au gouvernement. À son avis, l’intérêt public est plus important que la liberté de presse dans ce cas-ci, peut-on lire dans l’article du Huffington Post.

La situation n’est pas sans rappeler un autre refus de la société d’État, qui en 2013 avait aussi refusé de fournir ses données à Québec et Ottawa dans le cadre des « Offshore leaks« , lui aussi issu d’un consortium de médias internationaux. La FPJQ avait alors témoigné de son appui à CBC/Radio-Canada.

« Ces demandes sont nettement prématurées et potentiellement dangereuses pour la liberté de presse et la protection des sources confidentielles des journalistes », alléguait la Fédération, à l’époque. Pour elle, si les médias consentent à transmettre les informations au gouvernement, ils sacrifient l’indépendance qui leur permet d’enquêter libres de toute contrainte.

Le regroupement de médias ayant travaillé sur les Panama Papers avait déjà signifié son intention de dévoiler les données d’ici quelques semaines. La requête de l’ARC semble donc inutile compte tenu que le mois prochain, elle pourra avoir accès à ces informations.

Sachant cela, plutôt que d’investir dans un recours pour obtenir quelque chose qu’elle finira par avoir en bout de ligne, l’ARC devrait plutôt miser sur ses enquêtes pour enrayer le phénomène de l’évasion fiscale.

Cela n’est pas sans rappeler un autre cas survenu à la fin mars, autre cas qui a toutefois connu son dénouement en cour. Un juge a ordonné à Ben Makuch, journaliste pour VICE, de remettre à la Gendarmerie Royale Canadienne les documents qui lui ont servi à réaliser des reportages sur un présumé terroriste. Selon le magistrat, il en allait de l’intérêt public  et de la sécurité nationale.

Ce qui ressort de ces deux exemples, c’est l’utilisation par l’État et l’une de ses branches des tribunaux pour obtenir des informations auprès des médias sous prétexte que ces informations servent l’intérêt public et qu’il est du devoir des journalistes d’obtempérer.

Les réactions de la FPJQ et de l’avocat de Makuch se rejoignent. Tous deux, et bon nombre de défenseurs de la liberté de presse, estiment que le travail et la crédibilité des journalistes serait entachée si les médias se conformaient aux demandes du gouvernement.

Imaginons. les enquêteurs délègueraient une partie de leur travail aux journalistes, qu’ils percevraient comme des outils ou des facilitateurs. En contrepartie, les médias seraient alors aussi perçus par le public comme étant de simples courroies de transmission, qui relaieraient aux autorités toute information leur étant communiquée.

Quel intérêt pour les sonneurs d’alerte de s’adresser aux médias si pour eux, enquêteurs et journalistes, c’est du pareil au même?

Loin d’être de la mauvaise foi, le refus des médias de fournir systématiquement leurs sources ou leurs données sur demande n’est qu’une tentative de préserver leur indépendance si durement gagnée et si fragile.

C’est d’ailleurs cette indépendance qui a permis au scandale d’éclater au grand jour, rappelons-le, puisque bon nombre de sonneurs d’alerte s’adressent aux médias par peur de représailles ou bien parce que rien n’a été fait lorsqu’ils ont abordé le sujet auprès des autorités compétentes.

Alors, plutôt que de s’en prendre au messager, l’État devrait offrir davantage de protection aux sonneurs d’alerte. Sans ces sources, les informations sensibles sur lesquelles il tente de mettre la main n’auraient jamais vu le jour.

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