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Les quotidiens et les hebdos dans dix ans : halte à la temporalité

Les médias imprimés existeront-ils toujours dans dix ans? Telle était l’objet d’un avant-midi de réflexion portant sur la question aux Assises du journalisme à Tours*, et dont le constat principal fut qu’il serait bien difficile de spéculer sur une décennie alors qu’on ignore ce qu’il adviendra de nos journaux d’ici un ou deux ans.

Plusieurs intervenants sont toutefois d’accord : en raison de leurs plateformes numériques, les médias imprimés devront tôt ou tard laisser tomber la notion de périodicité qui les caractérisent encore aujourd’hui.

« Le problème, c’est que nous sommes encore basés sur une périodicité, souligne Marc Mentré, de l’organisme Journalisme et Citoyenneté. Ce cycle de vie correspond-il encore à quelque chose? »

« Les quotidiens sont d’abord et avant tout des marques, des marques qui travaillent 24 heures sur 24 », soutient Stéphane Frachet, journaliste aux Échos.

« Il faut se demander si un hebdomadaire est quelque chose qui sort une fois par semaine ou si c’est quelque chose qui est lu une fois par semaine? » s’interroge Cyril Petit, rédacteur en chef du Journal du dimanche.

Se recentrer sur l’auditoire

« Ça n’a plus beaucoup de sens de parler de quotidiens, car nous sommes désormais des éditeurs de l’information dénués de temporalité », a renchéri Vincent Preygène, directeur général de WAN-IFRA, l’association mondiale des journaux et des éditeurs de l’information.

Le vrai problème, souligne-t-il ensuite, réside dans le fait que les entreprises de presse se concentrent actuellement sur le support alors qu’ils devraient chercher à créer des liens avec leur auditoire.

Celui-ci suit sur le numérique, mais pas le financement des annonceurs, ce qui créé un déséquilibre financier pour les entreprises de presse. Or, depuis 2015, les abonnements constituent encore la principale source de revenus des médias, mais les entreprises de presse semblent travailler davantage pour leurs annonceurs que pour leur public, déplore Preygène.

Cette obsession de la plateforme épuise les journalistes, soutient David Carzon, qui manquent de temps et d’énergie en raison des compressions subies par les salles de presse depuis les dernières années. « Sortir un journal tous les jours relève du miracle maintenant », affirme le directeur adjoint de Libération.

Pire encore, ces baisses d’effectifs se répercutent sur la qualité du produit offert, et le public n’est pas dupe. « On a perdu de vue les questions les plus importantes. Quel est notre rôle? Quelle est notre plus-value? Qu’est-ce qu’on apporte à la société? » demande-t-il. « C’est d’abord le contenu qui doit être déterminé. Après, on se demandera comment le distribuer. »

Renforcer les marques

Une voie d’avenir concernant le multiplateforme réside dans une meilleure utilisation de chacune, lesquelles n’ont pas toutes les mêmes usages. « Si on jette des articles dans le vide en espérant qu’ils retrouvent les lecteurs, ça ne fonctionnera pas », note Carzon.

« La marque (du média) est concrète, note Carzon. Il faut que le lecteur sache que c’est nous qui avons produit le contenu qu’il consulte, et que ce contenu est en phase avec les valeurs de notre marque. »

Preygène abonde en ce sens. « Le lecteur n’est pas fidèle parce qu’il n’a pas conscience de la marque qui produit les contenus qu’il consomme », résume-t-il.

Les hommes vont plus loin. Pour eux, la marque d’un quotidien doit être représentative du « sens », donc de la raison d’être du média lui-même, son engagement vis-à-vis des lecteurs. « Dans dix ans, sera-t-on encore sur papier ou entièrement numérique? Sera-t-on gratuit ou payant? Demeurera-t-on généraliste ou serons-nous spécialisé? Irons-nous vers la vidéo ou pas? Peu importe ce qu’on choisira de faire, il faut que ça ait du sens », a clamé David Carzon.

D’ailleurs, a complété Preygène, la personnalisation du contenu en symbiose avec la marque, sera ce qui permettra, à terme, de convertir les consommateurs de ces contenus en lecteurs gratuits à des abonnés payants.

« On ne peut pas avoir d’abonnés payants si on n’a pas d’abord une offre gratuite intéressante pour les attirer. Mais si on ne commence pas à s’y pencher rapidement, on se tire dans le pied en continuant d’offrir un print payant et le même contenu gratuitement online, souligne Éric Mettout, directeur adjoint de la rédaction chargé du numérique à L’Express. C’est une erreur historique d’avoir permis la gratuité, mais encore plus de ne pas avoir tout balancé sur le numérique plus tôt. »

Médias sociaux : monter à bord du train

Les médias ont par ailleurs complètement raté le train avec l’arrivée des médias sociaux, il y a près d’une décennie. Plutôt que de d’abord les utiliser comme moyen d’échanger avec leurs publics, ils s’en sont servis comme d’un canal de diffusion unilatéral.

« Il faut repenser la relation avec le lecteur, et comprendre qu’elle s’effectue dans les deux sens. Le lecteur doit sentir qu’il a du poids », rappelle Carzon.

Valeur ajoutée

À terme, pour à la fois cimenter la relation avec les auditoires et pour donner une valeur ajoutée aux marques médiatiques, les entreprises de presse doivent valoriser leurs contenus. Cela passe par l’abandon de certains contenus moins « payants » et par l’automatisation de certains processus qui libéreraient des journalistes pour aller sur le terrain.

Dans un autre ordre d’idées, la concentration de la presse semble inévitable aux yeux de Preygène. Comme les investissements publicitaires dégringolent, que des abonnés quittent au profit de plateformes gratuites et que 80% des revenus de la publicité sont désormais captés par les géants du Web, il faut se consolider et trouver des substituts à cette absence de recettes, estime-t-il.

Les compressions dans les salles de presse devraient toutefois ralentir, puisqu’un seuil critique a été atteint. « Nous sommes rendus à un point où on ne peut plus couper », croit M. Preygène.

« Il faut se recentrer sur notre rôle, qui doit d’être utile et être plaisants à lire, indique Jean-Pierre Vittu de Kerraoul, PDG de Sogemedia. Nous nous devons d’avoir une capacité éditoriale suffisante pour offrir un bon contenu. »

* Ce voyage a été réalisé grâce à une aide financière de Les Offices jeunesse internationaux du Québec.

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