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Aide aux médias: enfin, de l’air!

Nos prières ont-elles été entendues?

Dans sa mise à jour économique présentée aujourd’hui, le gouvernement libéral fédéral a annoncé des mesures de soutien à la presse écrite, qui totaliseront 595 millions de dollars d’ici cinq ans.

C’est une excellente nouvelle, quand on sait qu’au budget du 27 février dernier, le ministre des Finances Bill Morneau avait déçu. 50 millions par an, pour cinq ans, afin de venir en aide au journalisme local dans les « communautés mal desservies » — on n’a jamais défini ce qu’était une communauté mal desservie d’ailleurs—, c’était bien peu pour tous les médias du Canada qui avaient besoin d’un sérieux coup de main.

Cette fois-ci, Ottawa a choisi l’avenue la plus simple, la plus sensée et la plus équitable pour soutenir les médias d’information: le crédit d’impôt remboursable sur la masse salariale, qui a l’avantage de préserver l’indépendance des médias. Plutôt que d’offrir des subventions, qui pourraient donner l’impression d’un quelconque favoritisme à l’endroit d’une entreprise de presse plutôt qu’à une autre, toutes pourront se prévaloir de l’aide financière, quelle que soit leur taille. Cela encouragera les médias à recruter des journalistes et à investir dans la production de contenu.

Mais ne nous réjouissons pas trop, trop vite, car les détails de la mesure ne seront pas connus avant le prochain budget. Il y a toutefois de quoi être optimiste.

Soutenir le journalisme implique aussi deux questions importantes auxquelles il faudra savoir répondre: qui sont les journalistes, et qu’est-ce qu’un média d’information? Ottawa a prévu le coup et a fait connaître son intention de mettre sur pied un groupe indépendant de journalistes pour déterminer quelles seront les exigences pour se prévaloir du crédit d’impôt.

Actuellement, quiconque peut se dire journaliste s’il produit et diffuse des contenus. La plateforme utilisée est donc considérée comme un média. Or, la qualité de ces contenus varie énormément d’un producteur à l’autre, d’une plateforme à l’autre. De plus, il n’existe pour l’instant aucun ordre professionnel du journalisme au Québec ou au Canada et le débat divise la profession depuis de nombreuses années déjà.

Se pencher (à nouveau) sur la question devient inévitable, et il faudra trancher. Est-ce que le respect de certaines normes éthiques et déontologiques suffira pour obtenir le statut de journaliste professionnel ou ne suffira-t-il que d’être rémunéré pour la production de contenus? Y aura-t-il des types de contenus qui seront jugés convenables et d’autres, non? Pour être reconnue, une entreprise de presse devra-t-elle compter un minimum d’employés? Devra-t-elle avoir des bureaux physiques?

Tant de questions auxquelles il faudra répondre.

Une autre avenue empruntée par le fédéral permettra aux médias structurés en organismes à but non lucratif d’émettre des reçus d’impôt à leurs donateurs. Une excellente nouvelle pour tous les journaux communautaires qui tirent le diable par la queue depuis de nombreuses années, mais aussi pour le quotidien La Presse, qui a effectué le virage plus tôt cette année.

Dans un troisième temps, le gouvernement compte offrir à la population un crédit d’impôt non remboursable pour l’encourager à s’abonner à des médias d’information numériques.

L’idée n’est pas mauvaise, mais elle arrive un peu tard. D’abord, bon nombre de médias d’information ont graduellement mis leurs contenus en ligne gratuitement. Depuis plusieurs années, il est possible de bien s’informer sans payer un seul sou. Convaincre la population de payer à nouveau relève du tour de force. Cela impliquerait aussi que des médias remettent en place des murs payants…

Ensuite, ceux qui paient déjà pour s’informer seront probablement les seuls à bénéficier du crédit d’impôt de 15% dont la date d’entrée en vigueur est inconnue; personnellement, je ne pense pas que des milliers de Canadiens se rueront sur Internet afin de s’inscrire pour profiter de la mesure.

Une telle mesure aurait du s’accompagner d’investissements en éducation aux médias, ce qui aurait permis de sensibiliser les Canadiens à l’importance des médias d’information et à des contenus de qualité.

Enfin, il n’y a toujours pas de mesure visant à rétablir l’équité fiscale entre les médias canadiens et les géants du Web. Le gouvernement n’a visiblement pas encore pris conscience de l’iniquité qui existe entre les entreprises médiatiques d’ici, qui produisent des contenus à grands frais, et GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple et compagnie), qui profite de ceux-ci pour s’enrichir sans contrepartie. Cet aplaventrisme, comme j’en fais état dans mon essai Extinction de voix — Plaidoyer pour la sauvegarde de l’information régionale,  est inexplicable et inacceptable, surtout qu’en Europe, plusieurs pays ont soumis Netflix et compagnie à de telles mesures fiscales. Ce faisant, le fruit de l’aide financière que consent enfin Ottawa aux médias profitera aussi à GAFA.

Dans cet ordre d’idées, il est temps que nos élus se penchent sur la question du droit d’auteur, constamment bafoué par ces entreprises américaines. La solution au problème s’y trouve peut-être.

Enfin, notons que cette aide, annoncée sur cinq ans, pourrait être compromise si les libéraux sont battus à l’élection d’octobre. On ne doit donc pas la tenir pour acquise.

Est-ce que cela permettra de freiner la crise des médias? Rappelons que GAFA accapare près de 80% des revenus publicitaires au pays, qui a vu disparaître près de 230 hebdomadaires et une cinquantaine de quotidiens en dix ans.

C’est un début. J’ai hâte de voir la suite.

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