Nous apprenions il y a quelques jours que le sénateur Patrick Brazeau, tristement connu ces temps-ci pour ses frasques judiciaires et son implication dans un scandale de dépenses illégales, souhaitait devenir journaliste pour un magazine de Nouvelle-Écosse et ce, après avoir été suspendu de ses fonctions politiques.
Selon une dépêche de La Presse canadienne:
(…) Pressé de questions par les journalistes à son entrée dans l’édifice, il a affirmé qu’il avait la crédibilité et l’indépendance nécessaire pour faire ce travail. Il ne croit pas être en conflit d’intérêts.
«Je suis un sénateur indépendant», dit celui qui a été exclu du caucus conservateur après qu’il eut été arrêté dans une affaire de voie de faits et d’agression sexuelle.
Il affirme que sa motivation est de dire la vérité aux Canadiens. «J’ai des histoires à raconter et on va travailler fort pour que les gens aient les réponses qui n’ont pas été faites de la part du gouvernement», a-t-il dit à la porte de la tribune de la presse.
Il dit être dans une position privilégiée, vu sa connaissance du gouvernement, pour raconter ses histoires.
Certes, on ne peut nier que M. Brazeau connaît bien les rouages de l’appareil sénatorial et que sa position lui donne accès à des ressources et des informations qu’il serait difficile d’obtenir en n’étant pas dans ses chaussettes. Mais son indépendance, en termes d’allégeance politique, ne fait pas de lui un individu neutre et objectif à même titre qu’un journaliste se trouvant à l’extérieur de la Chambre des communes.
Bien qu’il sache beaucoup de choses qui sont encore occultes aux médias et au public, il ne pourra les divulguer sans s’appuyer sur des preuves et des sources extérieures à sa propre connaissance sans enfreindre les règles déontologiques qui régissent le travail de journaliste.
Enfin, la réaction de la publication qui l’emploiera a de quoi laisser perplexe:
Le rédacteur en chef du magazine Frank affirme que M. Brazeau, qui ne compte pas d’expérience antérieure en journalisme, sera une épine dans le pied de ses anciens collègues au Sénat.
Le fait que M. Brazeau n’ait pas d’expérience en journalisme n’a aucune incidence sur l’affaire. Cependant, de croire qu’il sera une épine au pied des sénateurs démontre que les motivations de l’employer sont loin d’être impartiales. Un véritable journaliste ne peut chercher à nuire dans l’exercice de son métier, car il se doit d’être impartial.
C’est pourquoi la Tribune parlementaire lui a refusé aujourd’hui l’accréditation nécessaire pour être journaliste à la Chambre des communes.
La Tribune justifie sa décision par le fait que M. Brazeau, bien que suspendu sans salaire, est encore officiellement sénateur, donc législateur et membre interne de l’appareil politique canadien.
Selon les règles, un membre doit avoir comme principale occupation de rapporter et de couvrir les nouvelles du Parlement. De plus, un membre ne peut s’adonner à la représentation d’intérêts, notamment pour le gouvernement, et ne peut faire d’activités partisanes.
La dépêche stipule cependant que M. Brazeau pourra quand même rédiger des articles, ce qu’il est effectivement en droit de faire. Il pourra ainsi agir à titre de commentateur et d’observateur, ou de journaliste citoyen si on veut, à condition que ses intérêts soient clairement énoncés et qu’on le distingue d’un journaliste accrédité qui lui, est entièrement neutre face à ses sources d’information.
Somme toute, l’affaire aura probablement profité à Frank, qui bénéficiera d’une nouvelle popularité propulsée par les mésaventures de M. Brazeau.