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Information régionale : à nous d’agir!

Voici l’allocution que j’ai prononcée aujourd’hui à Sherbrooke dans le cadre du forum « Réinventons la presse régionale« , organisé par la section Estrie de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, appuyée par la section Montérégie.

En Montérégie comme dans toutes les régions du Québec, le paysage médiatique se transforme depuis plusieurs années. Cette métamorphose s’accélère de plus en plus et l’industrie des médias fait désormais face à un certain déséquilibre.

En termes de médias locaux, la Montérégie compte quelques stations de télévision et de radio régionales. Elle ne compte qu’un quotidien; ce sont donc surtout ses dizaines hebdomadaires qui reflètent les changements survenus sur son territoire.

En 2010 et 2015, la propriété des titres et leur nombre ont fluctué à plusieurs reprises. Il y a cinq ans, la plupart des publications appartenaient à des intérêts indépendants des grands empires médiatiques.

Puis, Sun Média, une division de Québécor, et TC Média, se sont livrés une guerre. Résultat, le nombre de médias a explosé dans notre région. D’un point de vue journalistique, il n’y avait jamais eu autant de journalistes et donc, de possibilités de couvrir l’information régionale.

Mais depuis que Sun Média s’est avoué vaincu, TC Média est le seul grand joueur, entouré de quelques indépendants. Quelques publications ont disparu, d’autres sont appartues, d’autres ont migré sur le Web, et les dernières se sont éteintes.

Moins de propriétaires signifie une plus grande convergence. Un partage de contenus qui peut profiter aux lecteurs, mais qui occupe aussi un espace rédactionnel qui aurait pu être dédié à du contenu hyperlocal.

Par ailleurs, un moins grand nombre de médias et de propriétaires modifie aussi le rapport de force que ceux-ci entretiennent avec les municipalités. Il existe une relation d’interdépendance entre ceux-ci, alors que le premier a besoin des revenus publicitaires et des informations issues de l’appareil municipal, et que le deuxième prétend avoir de moins en moins besoin de la visibilité que lui procure la plateforme médiatique, grâce à Internet.

En conséquence, dans les milieux plus petits où la proximité entre le média et l’administration municipale est encore plus grande, les journalistes peuvent être soumis à une pression, à la fois publicitaire et informationnelle, et sont parfois contraints d’éviter certains sujets, ou certains angles. La qualité de l’information locale ne peut qu’en pâtir.

De ce fait, le désir de certaines municipalités d’être absoutes de leur obligation de diffuser leurs avis publics dans les journaux régionaux pourrait avoir un impact sur les revenus de ceux-ci. Et qui dit impact sur les revenus pense immédiatement à impact sur les contenus.

Même chose en ce qui concerne les annonceurs. Et dans les médias où les équipes sont petites, la ligne entre contenu publicitaire et contenu rédactionnel est parfois bien mince. C’est sans parler de la précarité, qui force certains journalistes à consacrer temps et énergie à d’autres occupations que l’information.

Dans un tout autre ordre d’idées, dans toutes les régions, on constate que les médias coupent dans leurs effectifs. Les bulletins télévisés sont amputés de moitié. Une partie de notre contenu provient des médias nationaux. Forcément, une hiérarchisation des nouvelles va s’opérer et elle sera défavorable à la couverture régionale.

On verra les médias nationaux débarquer dans notre belle région à l’occasion d’un fait divers spectaculaire, d’une fraude exceptionnelle commise par un élu ou d’un crime crapuleux. Bref, tout ce qui est hors normes et qui peut susciter l’intérêt des auditoires des grands centres.

Mais la couverture des affaires courantes, des initiatives positives sans être inusitées et des travers des régions, qui n’ont aucun intérêt pour ces grands centres, doit quand même être réalisée pour le bénéfice des populations locales.

De plus, un journaliste parachuté dans la région pour couvrir une seule occurrence n’aura pas la même connaissance du milieu et de ses principaux acteurs qu’un autre qui y baigne quotidiennement. Il manquerait au reportage une perspective factuelle que seul un journaliste bien au fait de ses dossiers pourrait enrichir. C’est un peu ce qu’on a pu constater chez nous lors de la crise de l’eau, survenue à Longueuil en début d’année.

C’est sans compter toutes ces nouvelles inédites et d’un grand intérêt public qui n’auraient jamais vu le jour sans la présence d’un journaliste terrain, qui connaît bien son milieu et qui disposait d’un carnet de contacts locaux bien garni.

Mais jusqu’où pouvons-nous, artisans de l’information, faire plus avec moins?

Déjà, des changements se produisent dans notre industrie. Mais il m’apparaît inévitable que, pour préserver une information régionale de qualité, il faille agir en amont de ceux-ci, pour ne pas que le format des médias, ou leurs prérogatives économiques, ne l’influencent davantage.

À l’heure actuelle, nous faisons face à la concentration accélérée des médias, à la prépondérance de la publicité et à une fusion des types de contenus qui permet difficilement de distinguer l’information de ce qui ne l’est pas.

Peut-être faut-il réinventer nous-mêmes ce qu’est l’information régionale. Mais comment?

On ne peut plus se contenter de couvrir la nouvelle quand celle-ci se présente à nous. Il faut faire des choix. Le renouveau de l’information régionale passe indubitablement par la redécouverte des régions.

L’enquête, le dossier, le feature; le hard news, la nouvelle fouillée, apportent une valeur ajoutée à un média, de par leur caractère exclusif, mais aussi par leur regard intérieur à une réalité toute régionale.

Réintéressons-nous à toutes ces initiatives, toutes ces organisations et toutes ces personnes qui font la richesse de notre région respective. De là, racontons leurs histoires, faisons de ces gens et de ces institutions des ambassadeurs de leur coin de pays.

Aussi, il faut également changer notre perception de ce que vaut l’information dans une entreprise de presse. Souvent perçue comme une dépense parce qu’elle n’apporte pas de revenus au média, l’information compte pourtant un retour sur investissement important au sein de son milieu, ce qui se traduit par un échange d’idées, des dénbats et des actions posées par les collectivités et les élus.

Revalorisons l’information régionale pour ce qu’elle apporte aux auditoires, plutôt que de l’évaluer en fonction du nombre de clics qu’elle génère.

En ce sens, la section Montérégie de la FPJQ a lancé, plus tôt cette semaine, une bourse ouverte à tous les membres pour faire la promotion de l’information régionale. Elle vise à souligner l’importance des médias en région, mais surtout à démontrer qu’une couverture médiatique hors des grands centres est primordiale et profitable pour les populations qui y résident.

En conclusion, c’est en créant des contenus nouveaux, à valeur ajoutée, mais toujours de plus en plus centrés sur les préoccupations locales, et en revalorisant l’information, malgré une concentration de la presse qui favorise, en partie, le partage de contenus nationaux, qu’il sera possible de tirer notre épingle du jeu.

Un compte-rendu du forum sera publié sur ce blogue au cours des prochains jours.

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