Ça sent la rentrée… Pourquoi ne pas vous entretenir aujourd’hui de médias étudiants?
Les stations de radio des cégeps et universités, tout comme leurs journaux, sont l’une des meilleures écoles pour apprendre le métier, car on est tout de suite immergé dans le bain.
Des années plus tard, nombreux sont les journalistes professionnels qui conservent un bon souvenir de leur passage dans un média sur le campus.
C’est là qu’on apprend sur le tas, bien qu’on ait des croûtes à manger jusqu’à la retraite à mon avis. C’est là qu’on commet des erreurs parfois bêtes, parfois assorties d’une grande leçon, même si de devenir un « professionnel » ne nous met pas à l’abri des bourdes.
Surtout, démodée l’idée que les médias étudiants sont inintéressants. De plus en plus, ces apprentis-reporters réalisent des reportages qui ont parfois l’étoffe de ceux qu’on retrouve dans les médias professionnels. Il est déjà arrivé, d’ailleurs, que ces derniers s’inspirent de ce que font les étudiants, voire que leurs histoires donnent lieu à des reportages défrayant la « vraie » manchette.
Quelques exemples:
- Le scandale des primes versées par les universités à certains professeurs pour les attirer dans leur établissement et ce, en pleine période de compressions; révélé par Montréal Campus et repris par Le Devoir, entre autres;
- Des failles dans la réglementation des stationnements de l’Université de Sherbrooke ouvrent la porte à des contestations des constats d’infraction, rapporté par La Tribune après que le tout fut dévoilé dans Le Collectif, forçant la direction de l’université à revoir sa politique;
- Une série de vols de minéraux dans un pavillon de l’Université Laval, dossier suivi de près par Impact Campus et ayant attiré l’attention du quotidien Le Soleil;
- Et j’en passe. Beaucoup.
Bref, nos médias étudiants sont non seulement d’importantes écoles pour nos futurs journalistes, ils sont aussi des sources d’information et des plateformes de diffusion à part entière. Ça vaut la peine de s’y attarder.
Ce qui m’amène à un autre fabuleux exemple dont j’ai pris connaissance aujourd’hui. BuzzFeed fait état de cette sordide histoire où une université contestera devant les tribunaux leur obligation de fournir à son journal étudiant des documents traitant d’un enseignant.
Selon le média, une enquête concernant des allégations d’attouchements sexuels commis par un enseignant sur plusieurs élèves aurait été menée dans le plus grand secret. Une entente survenue entre l’établissement et son employé stipule que celui-ci pouvait éviter que ne s’ébruite l’affaire en quittant ses fonctions.
Toujours selon BuzzFeed, le journal étudiant Kentucky Kernel aurait été ensuite approché par un représentant de deux élèves concernés pour lui faire part de l’histoire. Le média a donc fait une demande d’accès aux documents publics à ce sujet auprès de l’université, qui n’a fourni que les documents concernant l’entente et la démission de l’enseignant. Rien à propos de l’enquête et des allégations y ayant mené.
Le journal s’est donc tourné vers le procureur général du Kentucky, qui a lui donné raison. Mais plutôt que de remettre les documents au journal, l’université a choisi de contester cette décision devant la cour.
« Notre université ne peut pas, et ne devrait pas décider quand il est approprié de violer la confiance et l’intimité d’une victime en dévoilant son identité et les détails de sa situation à quiconque », a-t-on plaidé pour justifier le recours.
Pourtant, dans les cas judiciaires, il n’est pas rare que les journalistes aient accès au nom des victimes. Celui-ci étant généralement protégé par une ordonnance de non-publication ici, ils parviennent à faire une nouvelle sans dévoiler l’identité de toutes les parties.
Le Kentucky Kernel a par ailleurs obtenu les documents autrement. Selon BuzzFeed, une dizaine d’histoires (que je n’ai pas toutes lues) ont été publiées à ce sujet, dont une qui révélait que le professeur a aussi fait l’objet d’une enquête pour avoir fabriqué de toutes pièces des données qu’il a ensuite utilisées pour un projet de recherche international.
On comprend que l’université, pour sauver son image, souhaite enterrer l’affaire et faire comme si rien ne s’était produit. Mais elle envoie un bien mauvais message en tentant de museler son média étudiant – qui après tout est un média comme les autres.
Je lève mon chapeau bien bas à la rédactrice en chef et aux responsables du Kentucky Kernel, qui ont refusé de plier devant la pression. Les artisans de ce média ont fait preuve de beaucoup de courage.
Certains collègues professionnels devraient s’en inspirer.
Alors, à tous ces journalistes, non pas en devenir, parce qu’ils le sont déjà un peu: bonne rentrée!