Hier était une dure journée pour l’univers journalistique québécois, voire canadien.
Premièrement, on en apprenait plus sur les coupes à venir dans les journaux régionaux de Gesca. La moitié des emplois disparaîtront quand les plateformes papier migreront vers la tablette, un onglet de La Presse +. Cela n’est toutefois pas confirmé, et il faudra peut-être plusieurs semaines, peut-être plusieurs mois, avant d’en savoir plus.
Évidemment, bon nombre de postes abolis concerneront le service à la clientèle, la production et la vente de petites annonces, par exemple. Il est plus facile de centraliser ces affectations que la couverture de l’information régionale.
De plus, cette couverture locale permettra à La Presse + de gagner davantage d’abonnés, c’est pourquoi il semble plausible que l’intégration des plateformes régionales à l’application nationale soit l’option choisie par Gesca. L’avenir nous dira quel modèle la filiale de Power Corporation choisira.
Deuxièmement, on apprenait aussi hier que d’autres coupures de postes seraient à prévoir à Radio-Canada, qui a déjà sabré dans sa masse salariale dans les dernières semaines. La saignée de la société d’État prend une tournure de plus en plus dramatique. Son rôle, unique dans le paysage médiatique canadien, ne sera pas compensé par le privé.
Troisièmement, La Presse Canadienne sera elle aussi touchée par d’imminentes mises à pied, ce qui a pris le syndicat par surprise.
Voilà. En une seule journée, les médias (il me fait quand même sourire de constater que ces coupures sont toujours rapportées par d’autres médias, alors que les entreprises de presse concernées font passer ces informations sous le tapis) rapportent que trois grands pilliers médiatiques du Québec couperont drastiquement dans leurs effectifs.
Il ne manquerait que Québécor et TC média, pour qui tout semble bien aller actuellement. Mais rappelons que la transaction de décembre au cours de laquelle le premier cède ses hebdomadaires au second tarde à être approuvée par le Bureau de la concurrence. Une fois que cela sera chose faite, la possible fermeture de publications entraînera elle aussi la perte de nombreux emplois.
Vu la conjoncture économique, les temps sont durs pour bon nombre d’entreprises, les médias inclus. Ces pertes d’emplois sont la conséquence directe du déclin des revenus des médias. Diminution des revenus publicitaires, pertes d’abonnés, compétition avec les contenus gratuits de l’Internet, évolution de la consommation des médias, coûts de l’impression et de distribution d’une édition papier en hausse… la liste est longue, mais rien de nouveau sous le soleil.
Faut-il cependant couper à ce point dans le « gras » pour entrer dans le 21e siècle?
Comme l’a dénoncé la FPJQ la semaine dernière, l’information n’est pas une marchandise. Il faudra voir comment ces coupures se déploieront dans l’avenir, mais le message que cette réorganisation à la baisse des médias est que l’information, les nouvelles et particulièrement l’actualité régionale ne valent pas plus qu’un produit usiné comme une canne de pois.
La FPJQ conclut sa prise de position comme suit:
L’information n’est pas une marchandise. Elle est un bien public essentiel. À côté des considérations économiques incontournables que nous connaissons, le monde marchand doit faire une place à son sens des responsabilités sociales.
Depuis quelques années, les emplois permanents en journalisme se font rares et plus le temps passe, plus ce sera le cas. Il faut consentir à une perte d’effectifs, il va de soi pour la prospérité de l’entreprise. Chacun doit faire un petit sacrifice.
Mais il ne faut pas que la totalité de l’information régionale, ou la majorité plutôt, passe au hachoir. Et que dire du rôle d’éducation, de conscientisation et de socialisation des médias?
En coupant sans revaloriser le rôle des médias d’information, les économies réalisées à court terme finiront par se traduire par l’abandon de ceux-ci par le public, qui n’y trouvera plus son compte.
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