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Mariage forcé

Ce matin, dans Le Devoir, Stéphane Baillargeon réfléchit sur les liens entre publicité et contenu. Des liens qui évoluent et qui modifient la manière des médias de se financer. Il fait écho à un reportage du magazine Le Trente, tout frais sorti des presses, dans lequel Suzanne Dansereau signe un dossier sur les nouvelles stratégies de publicité.

« Pour compenser, pour arrêter la saignée, les vieux médias multiplient donc les compromis, pour ne pas dire les compromissions. La pub rend faible », écrit Baillargeon.

Retour à la source. Dans son dossier, Mme Dansereau parle de sa propre expérience face à la « publicité native », quand ce sont les contenus, et non les médias, qui sont commandités. Au Québec, on le voit depuis un moment dans plusieurs grands médias; aujourd’hui, c’est CNN qui emboîte le pas, non sans faire lever quelques sourcils. Rogers veut même faciliter les relations entre rédacteurs en chef et annonceurs.

Qui a les moyens de se payer une publicité a désormais les moyens de faire parler de lui dans un média. Et, bien qu’un angle de reportage ne soit généralement pas imposé, il serait délicat d’écrire contre « la main qui nous nourrit ».

Comme le souligne le professeur Marc-François Bernier dans le papier de Dansereau, le phénomène peut être inquiétant. Le chercheur estime qu’on détourne ainsi le droit du public à l’information au service de la publicité.

Certes, pour se défendre, certains annonceurs affirment ne pas exiger un angle précis dans le traitement du reportage ou un droit de regard.

Or, en liant leur investissement publicitaire à la réalisation d’un contenu à thématique donnée, on outrepasse ce mur soi-disant hermétique entre la rédaction et la publicité du média, c’est indubitable.

Et si, comme le laisse entendre dans un autre texte du Trente, la chroniqueuse médias Marie-Claude Ducas, la publicité native pourrait permettre la diffusion de contenus trop coûteux à produire par la seule salle de presse d’un média.

J’aimerais bien qu’on m’en donne des exemples. Pour l’instant, la publicité native ne semble servir qu’à mettre à l’agenda des sujets qui n’auraient pas été abordés. Ou qui auraient été abordés différemment.

En outre, on pourrait voir dans la pratique le salut financier des entreprises de presse, en cette période trouble où les modèles traditionnels doivent être revus. Idem pour les publicités: à voir des statistiques avancées par The Economistles usagers de plateformes numériques ont de plus en plus recours à des bloqueurs de publicité, ce qui rendent les investissements en publicité traditionnelle de moins en moins efficaces. 

Mme Ducas affirme en effet que ce serait nier la réalité que de condamner cette pratique. Elle utilise le terme « angle mort » pour parler du fait que durant des années, les journalistes ont oublié, semble-t-il, le fait que leurs médias sont des entreprises qui doivent avant tout être rentables.

Mais doit-on rappeler une fois de plus que la nouvelle n’est pas un produit comme un autre, et qu’elle ne se vend pas comme une boîte de pois?

La rentabilité justifie-t-elle une entorse à la droiture que s’imposent beaucoup de journalistes en ne voulant pas mêler contenu et publicité?

La pratique est loin de faire l’unanimité. Il y a un réel malaise à amalgamer deux types de contenus. Je fais partie de ceux, peut-être trop puristes, qui y voient une manière indirecte de berner les auditoires en capitalisant la crédibilité des véritables contenus journalistiques.

La publicité par contenu commandité peut avoir ses avantages et être salutaire pour les médias, mais à la seule condition que ceux-ci ne sacrifient pas leur essence et leur crédibilité au nom du pécule.

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4 réflexions au sujet de “Mariage forcé”

  1. Le problème, c’est que ça coûte encore cher faire de l’info. On a changé 4 trente sous pour un dollar quand l’informatique est arrivee. On paye maintenant plus cher nos programmeur pour avoir la diffusion du contenu sur notre tablette ou téléphone intelligent.

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