Alors que les différents candidats et partis politiques rivalisent entre eux pour composer le prochain gouvernement et pour occuper les 125 sièges de l’Assemblée nationale, les médias sont eux aussi en compétition tout au long de la campagne électorale, à savoir qui offrira la meilleure couverture électorale, qui sera le plus lu ou regardé, de quel média sera perçu comme étant le plus impartial par les analystes et j’en passe.
Cela se poursuit jusqu’au dernier instant, alors que traditionnellement, ICI Radio-Canada et TVA couvrent en direct la soirée électorale. Quelle chaîne obtiendra les meilleures cotes d’écoute, laquelle sera la première à annoncer le résultat du vote?
La soirée électorale est l’aboutissement d’un fastidieux travail mobilisant un nombre important de journalistes, si ce n’est pas tous les journalistes d’un média. D’ailleurs, il importe de rappeler que le format d’un média dicte la manière dont celui-ci couvrira la campagne: sa fréquence, son médium et ses ressources pèsent beaucoup dans la balance, tout comme son pouvoir d’influence, lui aussi tributaire de sa nature.
Si les candidats comptent se reposer après la campagne car ils ont trimé dur, les reporters aussi pourront souffler un peu dès demain matin. De plus, au lendemain d’une campagne électorale, les médias ont un examen de conscience à faire. Ont-ils couvert les enjeux et les partis adéquatement?
Selon Influence Communication, la campagne qui vient de s’achever a été, et de loin, la plus couverte par les médias. Or, la santé, l’éducation et l’économie, entre autres, ont très peu été abordés proportionnellement à l’espace qu’ils occupent dans les nouvelles en période non électorale. Pourtant, cela devrait figurer dans les premiers thèmes traités. Comment expliquer cela?
Les médias, particulièrement la télévision et la radio, ne peuvent tout couvrir, faute de temps et d’espace. Ils dépendent beaucoup de citations coup-de-poing, d’éléments forts, pour bâtir leur nouvelle, car c’est ce qui attire le plus l’attention et ce sont ces informations qui sont les plus retenues par le public.
De ce fait, ce qu’on retient le plus de la présente campagne, ce sont les flèches que se sont mutuellement décochés les chefs de partis, l’annonce spectaculaire de la candidature de Pierre-Karl Péladeau et les remises en question sur l’intégrité des candidats ont occupé beaucoup plus de place que les engagements des partis comme tel. En ce sens, ce fut une campagne électorale sale, et les médias auraient facilement pu forcer les politiciens à revenir sur les véritables enjeux plutôt que de surfer sur cette vague plutôt sensationnaliste.
Cela fait qu’ils se sont en quelque sorte écarté de leur mandat de rapporter les enjeux, les engagements et les idées. Bref, à mes yeux, les médias n’ont pas gagné leurs élections.
Par ailleurs, la couverture des différents partis correspond grosso modo aux résultats des sondages, effectués à quelques occasions durant la campagne.
Fallait-il couvrir tous les partis de la même manière et leur accorder la même attention? Pas du tout, ai-je appris alors que je réalise en ce moment un dossier à paraître sur la question pour le magazine Le Trente. La stratégie des médias concernant la couverture des partis politiques est liée au poids politique de chacun et aux chances qu’ils ont de s’emparer du pouvoir. Or, c’est à se demander si en accordant ainsi plus d’attention au parti qu’on croit qui l’emportera, on n’influence pas les intentions de vote des sondages, qui servent ensuite de guide aux journalistes…
Ceci étant dit, il serait tout de même illogique d’attribuer autant d’espace à un parti qui récolte quelques points de pourcentage qu’à un autre qui récolte plus du tiers des suffrages. On parle donc d’une couverture équitable, et non égale des partis politiques. En ce sens, les médias ont bien réussi.
Direction communication a publié son analyse de la campagne. Les constats qu’on y fait sont forts intéressants et reflètent bien que les médias s’adaptent aux rebondissements de la campagne.
Dans un autre ordre d’idées, certains journalistes, une minorité tout de même, ont fait savoir publiquement qu’ils ne votaient pas ou qu’ils annulaient leur vote. Que ce soit par cynisme ou neutralité journalistique, les journalistes devraient-ils s’abstenir de voter?
Dans sa chronique, dont le lien est donné plus haut, Yves Boisvert suggère que le droit de vote devrait être retiré aux journalistes, par souci d’apparence d’impartialité. Or, les journalistes sont des citoyens comme les autres, et le choix qu’ils font dans l’isoloir ne regarde personne. Le vote est secret et les journalistes sont très au fait, en général, des enjeux d’une campagne. Ils sont suffisamment renseignés pour faire des choix éclairés. Si ses allégeances politiques ne transparaissent pas dans son travail, j’imagine mal pourquoi le journaliste ne pourrait pas voter.
Après tout, lui aussi a le droit de rêver à une société meilleure, à laquelle il contribue en éclairant ses concitoyens sur les enjeux déterminants.
En espérant, chers lecteurs, que vous êtes allés exercer votre devoir de citoyen aujourd’hui.
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